Month: décembre 2015

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Cantinage:post

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Le 2 janvier 2007, à la suite d’une querelle sur l’hygiène dans la cellule : obéissant “à une pulsion d’agressivité”, Nicolas Cocaign, alors âgé de trente-cinq ans, frappa à coups de poing et de pied, ainsi qu’avec une lame de ciseaux, Thierry Baudry, quarante et un ans, avant de l’achever en l’étouffant avec des sacs-poubelle. Puis, Nicolas Cocaign prépara son repas du soir avec l’intention de manger le cœur de sa victime. À l’aide d’une lame de rasoir, il découpa minutieusement le thorax de Thierry Baudry, enleva une côte et retira un organe qui s’est avéré par la suite être un morceau de poumon et non de cœur. Il en mangea une partie crue puis cuisina le reste avec des oignons sur un réchaud de fortune. “Je voulais prendre son âme”, déclara-t-il plus tard au juge d’instruction chargé de l’affaire.

La ballade de Geeshie & Elvie:post

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Dans le petit monde de la musique noire américaine du début du XXe siècle et de tous ceux qui en ont la passion jusqu’à l’obsession – un petit monde qui, sous un certain angle, peut apparaître comme une coterie de collectionneurs érudits, blêmes et misanthropes, et sous un autre comme une fraction non négligeable de l’humanité –, il n’existe pas de fantômes plus intrigants que deux femmes dont les noms apparaissent ensemble sur trois disques ultra-rares sortis en 1930 et 1931 : Elvie Thomas et Geeshie Wiley. Il y a des musiciens aussi obscurs qu’elles, certes, et des musiciens aussi grands ; mais il n’y en a aucun pour qui l’intersection, sur un diagramme de Venn, entre la grandeur et l’effacement révélerait une coïncidence aussi étendue, aussi stupéfiante. Au printemps 1930, dans un studio d’enregistrement humide et mal éclairé, dans une petite localité du Wisconsin, sur la rive ouest du lac Michigan, le duo a enregistré une série de chansons que l’on compte depuis plus d’un demi-siècle parmi les chefs-d’œuvre de la musique d’avant-guerre. Deux en particulier, “Motherless Child Blues” d’Elvie et “Last Kind Words Blues” de Geeshie, sont comme le double sommet de leur œuvre brève : elles ont inspiré des essais, des romans, des films et des reprises – l’histoire classique.

L’évangile selon Jerry Lee:post

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Dans ses atours de joueur de seconde zone depuis le temps où le chrome est chrome, Jerry Lee Lewis est assis dans la loge du Palomino Club, tenant mollement le quart d’une bouteille de Seagram à moitié vide sur ses genoux, tel le sceptre terni d’une ancienne royauté déchue.

Il a l’air de mauvaise humeur. Mais pas autant que la nuit passée, quand il a réglé son compte à cet idiot dans le public d’un mot rapide et cinglant, quand il a viré de sa loge ce briscard arrogant d’une maison de disques, quand, au petit matin, il mettait toute personne présente au défi de lever la main sur lui. J’ai tenté d’engager la conversation cette nuit-là, mais il était de trop mauvaise humeur. “Quel temps fera-t-il demain en Chine ?” m’a-t-il demandé. Je lui ai répondu que je n’en savais rien, que ça m’était égal ; et il a émis un grognement de dégoût. “Où veux-tu être enterré ?” m’a-t-il demandé. “Dans l’océan”, ai-je rétorqué. C’était mieux. Il a approuvé d’un signe de tête indulgent. Ça s’est passé comme ça la nuit dernière. À la fin, il ne parlait de rien d’autre que de la Bible. À la toute fin, il ne parlait plus du tout.

American folk:post

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J’habite à Berkeley, en Californie. Pendant vingt ans, j’ai gravi presque tous les jours la même colline escarpée et tortueuse jusqu’à un tronçon de rue pavée, du nom de Panoramic Way, qui débute derrière le stade de football de l’université de Californie. Quelques années plus tôt, alors que ma fascination pour l’Anthology of American Folk Music de Harry Smith – fascination qui remonte aux alentours de 1970 – virait à l’obsession, je me suis pris à imaginer que Smith avait vécu dans cette rue.

Je savais que Smith était né en 1923 à Portland (Oregon) et qu’il avait grandi à Seattle (Washington) et dans ses environs ; qu’il avait enregistré, adolescent, les cérémonies et les chants des tribus indiennes locales et qu’en 1940 il avait entrepris de collectionner des 78 tours de blues et de musique country des années 1920 et 1930 disponibles sur le marché. En 1952, à New York, alors que sa collection atteignait les dizaines de milliers, il avait réuni en une anthologie baptisée tout simplement, ou peut-être avec quelque arrogance, American Folk Music, quatre-vingt-quatre disques d’artistes oubliés : un recueil piraté, à la légalité pour le moins contestable, d’enregistrements édités à l’origine par des labels encore en activité tels que Columbia, Brunswick et Victor.

Conversation avec Alex Ross:post

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Alex Ross est considéré comme l’une des voix les plus importantes de la critique musicale contemporaine, peut-être même de la critique d’art en général. Pour tous ceux qui écrivent actuellement sur la musique, il constitue une référence. Son premier ouvrage The Rest is Noise, paru aux États-Unis en 2008, et en France en 2010, est sans doute le texte clé sur la musique du XXe siècle. Prenant la forme d’un récit haletant, cette œuvre propose une lecture à la fois pertinente, sensible et puissante du XXe siècle saisi sous le prisme de sa musique. Elle parvient 
à transcender tous les poncifs : elle reste d’une précision historique inégalée, mais évoque aussi brillamment des génies du siècle dernier, et tout cela avec une grande sensibilité littéraire, en un mot : un chef-d’œuvre. Il existe un festival de musique à Londres qui porte son nom, The Rest is Noise festival, dont Alex Ross est le référent. Spécialiste de la musique classique et contemporaine, Alex Ross a également écrit de nombreux essais très élaborés sur les musiques populaires, notamment pour le magazine américain The New Yorker, dont il est le musicologue attitré.

Justin Timberlake a un rhume:post

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Ken Ehrlich met en scène la cérémonie des Grammys depuis trente ans. Bedonnant, dégarni et vêtu de gris, il fait partie des hommes de l’ombre qui assurent le bon fonctionnement du show business. Je fais sa rencontre dans l’obscurité du grand dôme du Staples Center de Los Angeles. “Vous pouvez vous asseoir si vous la fermez”, grogne-t-il quand je me présente en chuchotant. D’un hochement de tête, il désigne en contrebas les bassistes qui calent leur rythme et les trompettistes qui poussent leurs instruments dans les aigus. La répétition qui s’annonce devrait durer plus d’une heure.

Ehrlich s’assure que chacun respecte le script minuté figurant dans son classeur à trois anneaux, grand ouvert sur un vaste plan de travail qu’un plaisantin a dressé comme une table de restaurant italien. Tout y est : la nappe en plastique à carreaux rouges et blancs, le plateau de fromage, la traditionnelle miche de pain à la semoule, la bouteille de chianti Ruffino dans son panier en osier et les bougies disposées sur deux vieux moniteurs Sony de dix-neuf pouces, permettant de visualiser la cérémonie telle que les téléspectateurs la regarderont depuis leur canapé.

Les os de la discorde:post

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Aux États-Unis, l’histoire naturelle est mise aux enchères cinq ou six fois par an. Un dimanche de mai 2012, une grande vente s’est tenue au Dia Center for the Arts de Chelsea, qui l’accueillait pour l’occasion. La vente, organisée par une entreprise du nom de Heritage Auctions, s’est ouverte sur deux géodes d’améthyste qui ressemblaient aux oreilles d’un lapin sur le qui-vive. Puis, des météorites, du bois pétrifié, des défenses d’éléphant ; des mille-pattes, des scorpions et des araignées préservés dans de l’ambre ; des quartz précieux, des cristaux et des fossiles. Les fossiles allaient de petits animaux aquatiques de l’Éocène incrustés dans de la pierre à des restes de dinosaures de la fin du Crétacé. Ce jour-là, l’orteil articulé et la griffe d’un dinosaure marocain ont été vendus à soixante-trois mille dollars et la dent d’un tyrannosaure – vingt-sept centimètres de la racine à la pointe – à presque quarante mille.

Que le mammouth revienne !:post

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La première fois que Ben Novak vit un pigeon voyageur, il tomba à genoux et resta dans cette posture pendant vingt minutes sans mot dire. Il avait seize ans. À treize ans, il avait vu la photo d’un de ces pigeons dans un livre de l’Audubon Society et “ç’avait été le coup de foudre”. Mais il ne savait pas que le Science Museum du Minnesota, qu’il visitait dans le cadre d’un programme scolaire d’été destiné aux lycéens du Dakota du Nord, en détenait dans ses collections, de sorte que, quand il aperçut une vitrine contenant deux pigeons empaillés, un mâle et une femelle figés dans des poses naturelles, il fut sidéré, submergé d’émotion, pris d’une sorte d’admiration empreinte de tristesse pour la beauté de ces oiseaux : leur poitrail d’un auburn brillant, leur dos gris ardoise et, autour de leur nuque, le poudroiement iridescent qui changeait en fonction de l’angle de la lumière. Avant que ses chaperons ne l’entraînent hors de la salle, Novak eut le temps de prendre une photo avec son appareil jetable.

Burn After Reading:post

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Le soir du 10 septembre 1976, à bord du vol TWA 355 reliant New York à Chicago, un passager barbu tendit une enveloppe scellée à un membre de l’équipage. “Ceci est un détournement d’avion” indiquait la première ligne du message. Ledit passager, un nationaliste croate du nom de Zvonko Busic y affirmait que cinq bombes avaient été placées dans l’avion, et une sixième déposée dans la consigne à bagages n° 5713 de Grand Central Station à Manhattan. Il conseillait au commandant de bord de contacter sans délai les autorités, car les informations supplémentaires se trouvaient dans la consigne. “La bombe ne peut être déclenchée qu’en pressant le détonateur, mais il faut la manipuler avec la plus grande prudence.”

Le championnat de mémorisation des États-Unis:post

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Une nouvelle épreuve devait faire son apparition au championnat de 2006 ; c’était une expérience qui n’avait jamais été tentée sur le circuit compétitif. Conçue pour donner satisfaction aux producteurs de HDNet, la chaîne du câble qui devait, pour la première fois de l’histoire, diffuser la compétition d’un bout à l’autre des États-Unis, elle avait reçu le nom tarabiscoté de “Trois fautes et adieu la fête”. Cinq hommes et femmes, invités de la “fête”, monteraient sur scène pour livrer dix types d’informations personnelles aux concurrents : leurs adresses, numéros de téléphone, passe-temps, dates d’anniversaire, plats préférés, noms de leurs animaux domestiques, modèles de leurs voitures, etc. L’épreuve évoquerait donc une situation plus proche de la vie réelle que cela n’avait jamais été le cas dans une compétition de mémorisation. Je ne savais pas du tout comment m’y préparer et, en toute franchise, je n’y songeai pas beaucoup pendant la plus grande partie de mon entraînement.

AML.230849-012-G:post

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Imaginons une vache, quatre pattes, un corps et une tête, les pis – “Une vache laitière ?” demande Arianna Ferrari de l’ITAS (Institut d’évaluation des répercussions technologiques et d’analyse systémique) au KIT (Institut technologique de Karlsruhe), sur sa table une pomme plus très fraîche.

Cent quarante kilos de lait par jour, quatre traites automatiques !

Mme Ferrari, docteur en philosophie, bottes en similicuir montant à mi-mollet, prend une petite gorgée de thé vert et dit : “La logique de l’exploitation.”

La vache que nous imaginons n’a ni nom ni pedigree, seulement un numéro, .230849-012-G, elle est dehors devant la porte, campus nord, bâtiment 0451, muette et soumise : une bête de type AML.

Objectif Asteroïdes:post

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Brian May n’est pas seulement le guitariste de légende du groupe Queen : il est aussi astrophysicien. En 1970, May entame son cursus universitaire à l’Imperial College de Londres mais il préfère interrompre ses études quatre ans plus tard, à la sortie du deuxième album de Queen. Il obtiendra son doctorat en 2008, après avoir soutenu une thèse sur la lumière zodiacale, ce faible spectre de lumière interstellaire visible certaines nuits, au-dessus de la ligne d’horizon. Mercredi dernier, Brian May a retrouvé Lord Martin Rees, l’astronome royal britannique, au Science Museum de Londres afin de discuter ensemble de la question des astéroïdes et de la menace qu’ils représentent pour la Terre.

Chury:post

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Deux engins, quatre appareils

Nous avions le souhait de laisser place à un travail photographique d’un genre particulier pour le portfolio de ce numéro. Non pas l’œuvre exposée d’un artiste, quoique, mais quelques clichés parvenus de l’espace, sur une comète au nom de 67P/Churyumov–Gerasimenko naviguant à cinq cents millions de kilomètres de la Terre. L’orbiteur Rosetta et l’atterrisseur Philae sont équipés de quatre appareils photographiques. Osiris, le premier, dont le nom réfère comme Rosetta à la culture égyptienne et correspond à l’acronyme de Optical, Spectroscopic, and Infrared Remote Imaging System, soit un système d’imagerie optique, spectroscopique et infrarouge à distance. Osiris est muni d’un appareil grand angle permettant de saisir des vues d’ensemble de la comète, ainsi que d’une longue focale saisissant des plans rapprochés.

Un domaine:post

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L’Asphodèle

Désormais, sept corporations régissent l’au-delà et nombre de personnes économisent leur vie durant pour être téléchargées vers celui qu’on considère comme l’être de premier ordre. D’autres, dont je suis, estiment qu’il leur faudra décrocher une bourse et accumuler les expériences. J’en ai fait une de trop. Peu après ma chute, j’ai postulé pour l’Asphodèle. Bien entendu, je savais que ce domaine spécifique ou “fournisseur d’au-delà” était administré par l’entité la plus ancienne du secteur. L’Asphodèle avait la réputation d’être le terrain le plus sûr et le plus complet. C’était le premier choix des artistes, poètes, universitaires, voire des hommes ou femmes politiques et des vedettes de cinéma. Les professeurs – j’en étais un avant mon accident – le retenaient systématiquement pour peu qu’ils en aient les moyens.

Invisible et Insidieux:post

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Ces trois dernières années, mon dosimètre est sagement resté sur l’étroite étagère de la porte d’entrée d’une maison de Tokyo, sa mesure augmentant chaque jour d’une ou deux unités ; la hausse ne s’est jamais démentie – puisque la radiation est la compagne sans merci du temps qui passe. Où que nous soyons, le rayonnement nous atteint et nous est néfaste, au mieux de façon imperceptible. Durant ces trois années, mes voisins américains n’avaient plus en tête l’accident de Fukushima. En mars 2011, un tsunami avait tué des centaines, des milliers de gens ; oui, ils se souvenaient de ça. Quelques-uns se rappelaient également le tremblement de terre qui l’avait provoqué ; quant à l’explosion d’hydrogène et la faille de la centrale nucléaire n° 1, en revanche, cela devait être réparé à présent – puisque ses effluents ne faisaient plus la Une de nos informations nationales.

Dédale ou la science de l’avenir:post

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Alors que je m’assieds pour écrire ces pages, j’ai devant les yeux deux scènes que j’ai vécues pendant la dernière guerre. La première est une impression fugace d’une bataille oubliée de 1915 qui, curieusement, évoque un assez mauvais film. À travers un brouillard de poussière et de fumée, apparaissent soudain d’immenses masses de fumée noires et jaunes qui semblent déchirer la surface de la terre et désintégrer les ouvrages humains avec une haine presque visible. Elles occupent le plus gros de l’image, mais quelque part au deuxième plan, on distingue quelques silhouettes humaines sans intérêt, dont le nombre diminue bien vite. On peine à croire que ce sont là les combattants de cette bataille. On penserait plutôt que ce sont ces énormes masses noires épaisses et grasses qu’on remarque tellement mieux, et que les hommes en sont en fait les serviteurs, jouant un rôle sans gloire, subalterne et fatal dans le combat. Il se peut, après tout, que ce point de vue soit juste.

Il n’y a pas de hasard dans la vie, Conversation avec Mourad Boudjellal:post

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Nous sommes à deux mois de la Coupe du monde de rugby. Ça vous rend heureux,
le Mondial ?

En tant que président de club, non, parce que c’est très contraignant au niveau des joueurs. Je crois que j’ai dix-neuf joueurs à la Coupe du monde de rugby, ce qui signifie que les premiers matchs n’auront pas la même saveur… Même si les joueurs qui restent ne sont pas des trompettes, il va manquer le gros de l’équipe, forcément il y aura peut-être moins de monde au stade, et accessoirement… si j’ai dix-neuf joueurs qui partent, ne pas les payer, ça m’arrangerait aussi. Parce que non seulement j’ai à les payer, mais je dois payer des joueurs pour les remplacer. Ça fait beaucoup (rires). On m’annonce d’énormes bénéfices pour cette Coupe du monde : 60 à 70 millions d’euros. Quand on ne paye pas les gens, c’est facile de faire des bénéfices.

Le Midi Olympique:post

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Au cœur des Années folles, en cette période que l’on croirait n’avoir été qu’en noir et blanc, pour se distinguer de la pléthore de titres qui se disputaient la devanture des kiosques, les journaux appâtaient le chaland avec des chasubles colorées qui ressemblaient à du papier peint défraîchi. Le 2 septembre 1929, deux hebdomadaires sportifs de Toulouse, Midi Sportif et France Olympique fusionnent pour donner naissance à un nouveau journal. “Organe de défense du sport méridional”, tout de jaune vêtu, son champ d’action est large, ses rubriques variées : racines obligent, le rugby d’abord, mais aussi le football, le cyclisme, l’automobile. Cet éclectisme ne va pas durer.

O Broeder:post

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Mais bon Dieu votre pays n’a pas de force aérienne ?” lance Wynand Claassen, le capitaine des Springboks, à ses adversaires du jour, les All Blacks. Nous sommes le 12 septembre 1981, à l’Eden Park d’Auckland. Entre Springboks et All Blacks, l’affrontement est une question d’hégémonie sur le rugby mondial. Mais cet après-midi-là, la confrontation prend une tournure ubuesque entre les deux nations les plus fortes du circuit mondial. Au-dessus de la mêlée tourne dans le ciel un avion de tourisme frôlant par moments les poteaux de l’Eden Park afin de larguer des petites bombes de farine.

Gentleman Drop:post

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La tombe est éloignée de tout, située sur le flanc gauche du cimetière, au-delà des lignes arrière, à bonne distance de l’ouverture. Elle est sommaire et ordinaire, tout juste agrémentée de quelques fleurs de pierre ou de papier. Ci-gît la mère, Berthe Serbource (1854-1933) ; l’épouse, Marguerite Luc (1886-1963) et, fermant le ban, Pierre Mac Orlan lui-même (1882-1970), citoyen le plus remarquable de Saint-Cyr, écrivain notoire qui passa là les quarante dernières années de son existence. C’est dans l’Est parisien, à une heure et demie de Notre-Dame, que l’auteur du Quai des brumes et de Bandera cultiva l’essentiel de sa légende, celle d’un “aventurier passif” (Queneau), d’un “bourlingueur immobile” (Carco) revenu de toutes les misères du monde en compagnie d’une cohorte de trimardeurs sans-le-sou, de jeunes filles égarées et de spahis sortis du rang.

Bondissant de joie et de fureur:post

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Le ciel est dégagé ce matin du 2 février 1965 – un mardi – quand Jean Borotra prend ses raquettes sous le bras et rentre au vestiaire pour se changer. À onze heures, il a rendez-vous au cœur des beaux quartiers. A-t-il déjà vu l’éditorial à la une de L’Équipe “Le tennis refait surface” ? Peut-être. Mais le coup de grisou à la fosse numéro 7 des mines d’avion a éclaté trop tard dans la nuit pour que Le Figaro le rapporte et on ignore encore le nombre de mort – vingt et un – et d’orphelins – quarante et un si on compte seulement les enfants.

Borotra se rend à l’église Saint-Philippe-du-Roule pour les obsèques du général Weygand. La foule est d’autant plus dense que de Gaulle lui a refusé les honneurs militaires et religieux aux Invalides.

La Havane et mes années à bicyclette:post

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J’ai appris à faire du vélo à La Havane, mais pas quand j’étais petite car, dans mon enfance, posséder une bicyclette était presque un luxe. C’est la crise des années quatre-vingt-dix qui m’a amenée au deux-roues, et j’avais déjà vingt ans. Quand le pays s’est retrouvé paralysé, privé de carburant, le gouvernement a commencé à vendre massivement des vélos, et ce qui en Europe est considérée comme une pratique saine et écologique est quasiment devenu à Cuba notre unique moyen de transport. Ironie du sort : je dois à la crise d’avoir éveillé en moi cette passion.

Jack Kerouac halfback:post

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D’abord,

de 1873 à 1934

Le football américain est né sur les campus universitaires vers le milieu du XVIIIe siècle. À ses débuts, le jeu était si violent que les plus grandes universités l’interdirent pendant une dizaine d’années à la suite d’accidents graves.

Mais les bases étaient jetées, et en 1873 le sport réapparaît dans de nombreuses écoles. La même année, les premières lois du jeu sont édictées et les tournois entre universités sont lancés.

En 1880, à Yale, le “père” du football américain Walter Camp invente et fixe les règles les plus importantes de ce nouveau sport pour le démarquer du rugby.

En 1889, le magazine Harper’s Weekly sélectionne la première All-American Team qui fait connaître au public les meilleurs joueurs du pays.

Un visage dans la foule:post

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L’été qui suivit la mort de sa femme, Dean Evers se mit à regarder les matchs de base-ball avec assiduité. Comme nombre de retraités originaires de Nouvelle-Angleterre, c’était un fan des Red Sox de Boston qui, ayant fui les vents de noroît pour le golfe de Floride, avait fait preuve de magnanimité en supportant également les Devil Rays de Saint Petersburg, une équipe qui allait alors de défaite en déroute. Bien qu’il ait entraîné des cadets, il n’avait jamais été un mordu de base-ball – contrairement à son fils Pat, qui en était obsédé –, cependant, soir après soir, alors que les feux du couchant bariolaient le ciel à l’ouest, il se surprenait de plus en plus souvent à inviter les Rays pour peupler son appartement vide.

Un Saint n’est pas forcément naïf:post

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Du début à la fin de Rouge ou mort, vous martelez votre certitude : Bill Shankly était “un homme bon”. C’est quoi, pour vous, “un homme bon” ?

Quelqu’un qui anticipe le besoin de l’autre et qui, en même temps, le stimule. Bill Shankly n’a jamais rien fait de purement égoïste. Il ne s’est jamais préoccupé d’argent ou de gloire. Seul le collectif lui importait. Additionner les énergies pour, sans cesse, améliorer leurs rendements, pour toujours aller de l’avant. En me penchant sur son cas, je me suis aperçu que sa démarche était naturellement commandée par l’abnégation. Shankly, c’est l’altruisme fait homme. Au-delà de l’effort, du travail et de la discipline, irradiait chez lui une générosité naturelle. Son comportement, ses attitudes, ses préceptes : tout allait dans le sens du soutien et de l’incitation.

L’Ombre de Richie:post

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23 octobre 2011, Eden Park d’Auckland. Les All Blacks viennent de remporter enfin, à domicile, cette Coupe du monde de rugby que le peuple néo-zélandais attendait depuis près de trente ans. Image stupéfiante : Richie McCaw, leur capitaine, est interviewé à la sortie du terrain. Il boite bas, il est rincé, trop épuisé pour énoncer les formules prêtes à l’emploi dont il est coutumier. Au premier micro qui se tend, il soupire : “Il a fallu creuser plus profond que jamais…” Un confrère, chevrotant d’émotion, veut savoir comment il se sent. McCaw a le regard brumeux, on le croirait au bord des larmes. Sans réfléchir, il souffle : “Relieved.” Pas euphorique, non, ni même heureux – soulagé. L’aveu est douloureux : l’obligation de vaincre anesthésie jusqu’au plaisir. On pense au tennisman Roger Federer, sommé de s’expliquer après une défaite pourtant honorable en demi-finale de l’Open d’Australie, qui déclarait en 2008 : “J’ai créé un monstre…”

Le Petit Lettré, Conversation avec Agustín Pichot:post

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Avec ses cheveux qui lui tombent sur les épaules, le “Petit Général” des Pumas organise la victoire de l’Argentine sur la France, pour le premier match des Bleus lors de la Coupe du monde 2007 (12-17). Chandelles, relances, excellente lecture de la défense française, il distribue les munitions à Felipe Contepomi, Juan Martín Hernández, Ignacio Corleto et place son équipe sur orbite pour un tournoi exceptionnel. Battue en demi-finale par les Sud-Africains, l’équipe d’Agustín Pichot retrouve la France pour le match de la 3e place. Face à l’intelligence du demi de mêlée et l’abnégation des Pumas, les hommes de Raphaël Ibañez encaissent 34 points et finissent 4es du tournoi (34-10). Un pied dans le rugby, un autre dans les affaires, l’ancien joueur du Stade français continue d’aborder l’existence avec énergie et humilité, une philosophie de jeu et de vie nourrie sur le terrain et dans les livres.

Le Jardin d’Eden:post

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Enfin nous y étions. Nous étions à Auckland, en cette fin de mois de mai 1987. Une poignée de journalistes, quelques photographes, une tribu comme un cirque, qui s’était croisés tout l’hiver dans le tournoi des Cinq-Nations. La Coupe du monde allait commencer en Nouvelle-Zélande. Comment aurions-nous pu nous diriger ailleurs que vers les îles aux longs nuages blancs, patrie du jeu et des hommes en noir ? De toutes les légendes, aucune n’égalait celle de ces All Blacks, les plus admirables, les plus courageux, les plus durs et les plus beaux joueurs de cette planète. On y était. Mais ce ne fut pas sans peine. Ce jour-là, on ne sait à quoi pouvait penser Albert Ferrasse, alors âgé de soixante-dix ans.

Le XV de Galles en 15 dates:post

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Si le rugby fait beaucoup pour la notoriété du pays de Galles, l’envoûtant Cymru n’a pas attendu le ballon ovale pour qu’on parle de lui. Le mont Snowdon, le poireau et les moutons ne datent pas d’hier. Le charbon non plus, il gît dans les veines de son sol, même si ces veines s’épuisent, si les puits ferment, et si le charbon se raréfie comme autrefois les moutons. Le poireau est déjà dans Shakespeare (Henry V) mais on lui substitue parfois la jonquille, d’autant plus volontiers que les deux mots sont identiques en gallois. Mais il paraît que ce poireau serait plutôt des plumes d’autruche et qu’elles viendraient de la bataille de Crécy (1346, si vous l’aviez oublié). Quant au mont Snowdon, il culmine à guère plus de 1 000 mètres qui suffisent pourtant à fixer la neige malgré la douceur océane, et c’est sur ses pentes que sir Edmund Hillary et ses compagnons de cordée ont parachevé leur entraînement avant de partir à la conquête de l’Everest.

Georges the Ref:post

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Kirkpatrick to Williams…” Sur son aile, le All Black Bryan Williams envoie un long coup de pied de recentrage qui atterrit dans les vingt-deux mètres barbarians. Cliff Morgan est au micro de la BBC : “Phil Bennett covering.” Bennett, l’ouvreur gallois, accourt vers la balle. Il ne peut se retourner tant la menace de l’adversaire souffle déjà dans le creux de sa nuque. Bennett court quelques mètres vers son en-but pour échapper aux bras adverses, puis redresse sa course là où cinq All Blacks pressants l’attendent. Dans la gueule du loup. Il dégaine alors un soudain crochet intérieur. Peter Whiting, le massif deuxième ligne, prêt à le découper, reste planté, les crampons encore scellés dans le sol de l’Arms Park. Le public de Cardiff applaudit le geste quand Bennett exécute la même feinte et trompe trois autres adversaires.

L’Éclat du néant:post

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L’histoire commence dans un désert, quelque part en Syrie, ce pays coincé entre la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Iraq, devenu une terre de désolation et de combats. Il faut imaginer de belles dunes, un campement de Bédouins avec ses tentes et ses chameaux, un ciel d’un bleu si aveuglant qu’il en paraît presque blanc. Tous plissent les yeux lorsqu’ils le contemplent.
La région est vaste. De jeunes garçons surveillent des chèvres et des moutons. Les chefs des tribus régissent la vie au sein du clan, grande famille où les liens du sang sont déterminants.

Abdul ou le swing de l’Afghanistan:post

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Kaboul, neuf heures du matin. Ce lundi, il faut encore jouer du klaxon pour se frayer un chemin dans la mêlée des Toyota Corolla blanches qui pullulent dans les rues de la capitale afghane. Ici, aucune règle n’est appliquée, c’est au forceps que le conducteur s’extrait des embouteillages. Un dernier check-point de police, puis la voiture peut filer sur la route de Qargha. Sur le côté, les murs de béton d’une base militaire défilent, interminables. Là-haut dans le ciel, un dirigeable installé par l’armée scrute la vallée de ses caméras. Plus de dix ans après l’intervention américaine, la menace talibane est plus que jamais présente. Mais ce matin, les écrans ne signalent rien d’inhabituel. Les mêmes vendeurs de rue de Kaboul poussent leurs charrettes et hèlent le passant. Cigarettes, pâtisseries, poissons rouges, protections contre le mauvais sort, ici tout se vend.

Je hurle comme un hooligan au stade, Conversation avec Rudy Ricciotti:post

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Tu étais au solo de José Tomas à Nîmes ?

J’étais dans un petit hôtel particulier à Nîmes, qui s’appelle Le jardin secret. On était au premier étage de la galerie, un truc très dix-neuvième. Complètement pétés, Myriam et moi. Myriam avec sa bouteille de champagne et moi avec un armagnac qui faisait huit centimètres de hauteur, en train de fumer le cigare sur des chaises longues, Myriam du rock dans les écouteurs, moi complètement dans le cirage, et je vois passer Tomas en civil. Je le reconnais. Putain. Et il rentre dans sa chambre, je l’entends farfouiller la serrure, je sais pas quoi, et au bout d’un moment il ressort. Je lui dis : san Tomas ? Il se retourne, il me fait un sourire incroyable. Je lui parle en français, il ne comprend pas. Je lui parle en anglais, il ne comprend pas. Je lui parle en italien, il ne comprend pas. Je ne parle pas espagnol.

César Borgia au coin du ring:post

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La tragédie antique nous a donné Œdipe, le théâtre élisabéthain Lady Macbeth, mais seule la boxe pouvait nous offrir Floyd Mayweather Sr, père du sportif le plus riche du monde, champion du monde dans sept catégories. Le boxeur le plus doué de sa génération. Certains parlent d’un des plus grands de toute l’histoire du ring. D’ailleurs lui-même s’emploie à prouver aujourd’hui qu’il est TBE, “The Best Ever”, le meilleur de tous les temps.

Chez les Mayweather, tout se fait dans l’excès : tout le monde est boxeur – les plus jeunes frères de Floyd Sr, Roger et Jeff, ont été respectivement champion WBC des super-plume et des super-léger, et champion IBO des super-plume – et presque tout le monde va en prison.

Skier en Corée du Nord:post

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Ni goudron ni terre battue sur l’autoroute de “l’arc en ciel”, qui, à partir de Pyongyang, amène au Masik Pass Ski Resort et traverse la Corée du Nord d’ouest en est. Seulement d’imposantes dalles de béton qui transforment le voyage vers l’unique domaine skiable du pays en une expérience particulièrement dynamique et agitée.

Pour témoigner de la fragilité du panorama géopolitique dans lequel se trouve la péninsule coréenne, la route est bordée d’imposants piliers, qui peuvent, en cas de nécessité, bloquer la route et isoler les lieux stratégiques à défendre.

La Caddy de Kennedy:post

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Bonjour Françoise Autiero, racontez-nous : comment est-ce que vous en êtes arrivée à côtoyer le clan Kennedy ?

Alors, tout d’abord, je suis là aujourd’hui, je suis très heureuse. Et très émue aussi. Parce que les Kennedy ont participé de ma jeunesse, surtout le père du président, Joseph Kennedy, que j’ai connu parce que ma famille était arrivée d’Italie et quelqu’un avait fait cadeau à mon père, qui était maçon, d’un petit morceau de terrain où mon père a construit notre maison. À cette époque-là, on commençait un petit peu à apprendre le français, puisque nous-mêmes on ne parlait pas français et, un jour, en traversant le golf de Biot pour essayer d’aller à l’école…

Yachine vs Franco 21 juin 1964:post

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On ne sait jamais à l’avance comment les histoires finissent. En revanche, on sait un peu mieux quand elles commencent.

Celle-ci commence donc le 1er mai 1960 avec l’avion espion américain U2 abattu au-dessus de la steppe. Beautiful day, c’est le moment ou jamais de le dire, en tout cas par les Soviétiques. L’avion était en mission de reconnaissance, survolant et photographiant des installations de missiles. Le piège se referme sur les États-Unis car le Kremlin les laisse s’enferrer dans des explications vaseuses avant de révéler que l’espion n’a pas avalé sa capsule de cyanure, qu’il est bel et bien vivant et qu’il a reconnu l’objet de sa mission. Un mois auparavant, Khrouchtchev avait déjà transformé en triomphe personnel son voyage en France. Mais on le sait depuis trois siècles : vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.

Alain Giresse 99e:post

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Voici l’histoire d’un instant merveilleux et fragile qui peut changer votre vie. Gigi, pour toujours : une bouille bien française transfigurée par la joie. Une histoire simple comme bonjour. Il est un peu plus de 22 heures.

Avec les copains nous avons définitivement ruiné le canapé des parents de Bruno. Ils ont bien voulu nous prêter leur pavillon en meulière niché au pied des cités de Juvisy-sur-Orge. Banlieue sud. Ce soir, pas de filles. D’ailleurs, mon bel amour, Dominique, m’a laissé tomber il y a quelques jours. Je l’aimais bien Dominique. J’ai besoin d’être consolé. “La France est pratiquement en finale de Coupe du monde”, ose pronostiquer Thierry Roland. C’est Gigi qui vient de frapper. Impossible de tenir en place. La RFA est à terre. On peut bien la ramener aujourd’hui en prétendant que le commentaire était imprudent et hâtif. Mais 3-1 contre la RFA, pendant les prolongations…

Le Jour où Pinochet a assassiné le football:post

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Le grand reporter polonais Ryszard Kapuściński écrivit un jour qu’en Amérique du Sud, les stades logent autant la liesse que les massacres. L’Estadio Nacional de Santiago du Chili en fut la preuve flagrante. Le 21 novembre 1973, les onze footballeurs de la sélection chilienne font la passe à dix. Nul adversaire ne s’interpose entre eux et la balle, la raison, il n’y a pas d’adversaire, ils sont seuls sur le terrain entouré par des soldats de l’armée, fusils à l’épaule, surveillant le terrain et les spectateurs médusés devant ce spectacle inédit. L’URSS a déclaré forfait pour ce match retour qualificatif de Coupe du monde, mais Augusto Pinochet exige le maintien de la rencontre. Une affaire de symbole : jouer sur des cadavres.

Un terrain dans un salon:post

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C’était un petit salon de coiffure pour hommes, sans fenêtre, dans l’arrière-salle du grand salon pour dames doté d’une large vitrine, la rue était en pente, l’entrée se faisait par un couloir séparé, et sous la lumière blafarde et légèrement vibrante des néons fatigués, apparaissaient les photos en noir et blanc des idoles, tous ces joueurs qui avaient formé l’ossature de l’équipe nationale de Suisse lors de la Coupe du monde de 1954, accueillie par le pays, à Lausanne, Berne ou Zurich. Je les regardais près de vingt ans après, mais ils irradiaient encore de tout leur prestige, celui d’une équipe spectaculaire, pratiquant un beau jeu, rivalisant avec les meilleurs, avec un meneur qui jouait au FC Bâle à l’époque et qui allait ensuite finir sa carrière dans le club de ma petite ville natale, Porrentruy, les rouge et noir (car issus de la fusion entre le club catholique des Noirs et le club radical des Rouges).

La Force du prophète:post

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Pourquoi le tennis de table en Chine, le hockey sur gazon en Inde, le water-polo en Hongrie ? Pourquoi pas (ou si peu) de basket en Grande-Bretagne, de rugby en Espagne, de handball en Australie ? En vertu de quelle priorité un pays adhère à un sport ou s’en écarte ? Comment naît l’accointance ou l’affinité ? Le grand arbre généalogique des sports est chargé de ces histoires qui toujours bégaient des similitudes de destins où le contexte politique, la situation économique, l’influence de tel ou tel individu, le hasard bien sûr, jouent les premiers rôles. Mais rien qui ne puisse être élevé au rang de théorie. Plutôt une série de coïncidences, de surprises, pour ne pas parler de mystères plus ou moins déconcertants.

Le Lyon de Persépolis:post

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Si l’excellence de Blondin se vérifie davantage dans ses romans et ses certificats d’études que dans les calembours qui émaillent ses chroniques sportives, je n’en ai pas moins choisi ce titre en son honneur. Sa gentillesse proverbiale ne l’aurait sans doute pas désavoué.

Lyon c’est pour le stade Gerland où se déroule la rencontre Iran – États-Unis, lors de la Coupe du monde 1998. Persépolis est le nom de “la cité perse” qui fut la capitale de l’Empire achéménide, devenue un vaste périmètre de ruines déclarées patrimoine de l’Unesco l’année même de la Révolution islamique. Parmi les vestiges, on peut toujours admirer le bas-relief d’un lion attrapant à pleine gueule un taureau. Persépolis est aussi le nom du plus grand club de football de Téhéran.

Le Miracle de Berne:post

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Aus, aus, aus, aus, das Spiel ist aus ! Deutschland ist Weltmeister.” “Fini, fini, fini, fini, le match est fini, l’Allemagne est championne du monde.” Ce sont les paroles les plus célèbres jamais prononcées à la radio allemande. Ce 4 juillet 1954, un reporter radio de la Nordwestdeutscher Rundfunk, Herbert Zimmermann, écouté religieusement par des millions d’Allemands, donne voix à une victoire qui permettra le lendemain aux journaux d’outre-Rhin de titrer : “Wir sind wieder wer !” Une formule qu’on pourrait maladroitement traduire par : “Nous voilà de retour !”, mais aussi “Nous voilà redevenu quelqu’un !”. Quelqu’un dans l’univers du football. Quelqu’un aussi sur la scène internationale, neuf ans après la fin de la guerre.

Ensemble, nous sommes invincibles:post

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“Ils n’en veulent pas de sa foire, ils n’en veulent pas de sa fête foraine, ils n’en veulent pas de son parc d’attractions géant avec un petit stade au milieu…” À l’arrière de la voiture, la quarantaine assagie hormis les jours de matchs, Robbie s’énerve. Évidemment : ce soir, son équipe joue. Son ami Chris, leader du groupe de death metal Do or Die est au volant. Les deux compères filent à toute allure vers Salzbourg pour rejoindre leur club de cœur, le Standard de Liège. Un match de Coupe d’Europe un soir d’automne. L’adversaire ? Le Red Bull Salzbourg. Tout un programme. Ce déplacement pourrait être l’un des derniers sous cette forme aussi artisanale. Voire l’un des derniers tout court. Malgré la vitesse, et l’intime excitation d’avant-match que connaissent tous les supporters du monde, les plans du nouveau propriétaire du club ne passent pas.

Des bleus dans les yeux:post

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Coup de foudre for Cantona

1996

Kostadinov n’a pas joué, arrêté à la frontière. C’est une autre histoire qui débute : les Bleus réalisent une belle Coupe du monde aux États-Unis, et c’est avec un Cantona au meilleur de sa forme qu’ils abordent l’Euro 1996 au Royaume-Uni. Le King sera-t-il couronné dans son jardin anglais ?

*In vitro veritas*, Conversation avec Guy Roux:post

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Parlons Coupe du monde.

Au-delà de ce que tout le monde suppose, je suis né le 18 octobre 1938. En 1938, la Coupe du monde avait lieu en France avec un match Brésil-Pologne à Strasbourg et mon père y était avec ma mère. Et dans ma mère, il y avait la promesse. En réalité, je n’ai pas assisté au match, mais on raconte que les fœtus entendent, j’ai donc entendu le premier match de Coupe du monde, Brésil-Pologne, à Strasbourg, en juin 1938.

Au stade, on n’est jamais seul, Conversation avec François Hollande:post

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Vous avez déclaré ce week-end, lors de la finale de la Coupe Davis entre la France et la Suisse à Lille, “il faut mériter la victoire, elle ne vient pas parce qu’on la proclame”. Est-ce que le commentaire sportif est un bon moyen aussi de faire passer un message politique ?

Oui. En tant que président de la République, je suis toujours interrogé sur mon pronostic. Mon soutien à l’équipe de France est acquis d’avance, mais j’ajoute toujours qu’il faut mériter la victoire. C’est d’ailleurs ce que je continue à penser pour le pays. C’est la différence entre le chauvinisme et le patriotisme. Entre sport et politique les métaphores sont faciles et les interprétations parfois grossières. Mais mon message est toujours le même, l’esprit de compétition doit reposer sur des valeurs. Gagner ne suffit pas. Réussir c’est mieux.

Bras de Frères:post

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Qu’est-ce qu’il reste après le fracas d’une débâcle ? Un vaste parking aux places en épis évidés de leur substance : les voitures des quelque deux cent cinquante salariés qui se pressaient ici chaque matin. Aujourd’hui, seule une vingtaine de véhicules s’agglomèrent en grappe, près de l’entrée de l’usine. Voici les dommages d’après scandale, celui de la viande de cheval. À quelques hectomètres de là, l’abattoir de Castelnaudary n’est plus qu’un bâtiment silencieux.

L’entreprise tente de survivre après avoir perdu plus de cent cinquante employés dans cette sale histoire aux méandres inextricables : un pays – la Roumanie – qui souhaite mécaniser son agriculture et envoie à l’abattoir des centaines de chevaux de traie. Des intermédiaires qui sous-traitent à d’autres intermédiaires dans l’achat en gros de viande. Un prix que l’on abaisse d’un euro le kilo d’un coup d’un seul. La tentation de ne rien dire sur la nature du produit.

Coupés du monde, Conversation avec Stéphane Meunier:post

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Quel est le contexte de la réalisation des Yeux dans les Bleus ?

J’étais journaliste et j’avais quitté l’agence CAPA. J’étais indépendant, journaliste réalisateur sur le marché du travail. Je travaillais pour plusieurs magazines d’information en France. Travailler comme reporter, j’y étais entraîné, affuté mais aussi j’avais un intérêt pour les sujets. Par exemple, en immersion, j’avais passé un an dans un collège à Saint-Denis, où j’allais tous les matins, en classe, pour filmer… J’avais aussi, pendant vingt-quatre heures, été immergé au sein du monastère de l’église de la Nativité pendant les fêtes de Bethléem. Un monastère clos dans lequel on n’entre pas, avec les mecs en robe de bure, et moi habillé en séminariste pour filmer. Je faisais des choses comme ça.

Le Gardien maudit:post

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Moacir Barbosa Nascimento bondit de joie. Il est 16 h 02 ce 16 juillet 1950 à Rio de Janeiro quand le gardien de l’équipe du Brésil lève les bras au ciel, son coéquipier Friaça vient d’ouvrir la marque contre l’Uruguay, au Maracanã, en finale de la Coupe du monde. Le stade, une cité radieuse de deux cent dix mille spectateurs, chavire, Rio et le Brésil exultent, la prophétie se réalise : la Seleção va remporter sa première Coupe du monde, sur ses terres, c’est une certitude désormais, le Brésil sera champion, et d’ici une quarantaine de minutes, son capitaine Augusto brandira le trophée Jules Rimet puis Barbosa, son excellent portier, l’imitera, suivi de tous leurs coéquipiers.

Moscou, rien à foot:post

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“Combien de boulots as-tu échangé contre une virée – Combien en as-tu raté ? – Avec tout le fric consacré à ta lubie, à ta passion et tes beuveries – tout ce pognon pour suivre ton équipe – tu pourrais aujourd’hui vivre avec vue sur le Kremlin…
Autour de moi, des amis.
Tous spécialistes en leur sujet – mains cassées, cicatrices et garde à vue. Face à moi, des regards contraires – yeux cicatrisés, médailles durcies par l’adversité, effrayant tous ceux passifs qui laissent leurs ongles s’allonger.
Puis un cri, le plus massif des thèmes musicaux. Je suis serein. Mon regard cherche au loin. Nous jouerons même sans championnat, vous pourriez même abolir le football…”

Dima Normalny

Poète, acteur, et figure des fanats du Spartak Moscou.

Sierra Leone Amputee Sports Club:post

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Une longue bande de sable blanc chatouillé de timides vaguelettes, des palmiers vigoureux chaloupant au gré d’une brise facétieuse, et pas un chat. La plage d’Aberdeen, au nord-ouest de Freetown, est un de ces paradis de carte postale qui appelle inexorablement à la paresse. Mais les propriétaires des centaines d’abris en tôle qui jouxtent les hôtels chics sur le front de mer ont autre chose à faire. Et les jeunes hommes rassemblés ce soir sur le sable ne sont pas vraiment là pour se détendre, même si leur large sourire pourrait indiquer le contraire. Ils sont venus pour s’entraîner, la plupart d’entre eux a dû traverser Freetown embouteillée par un trafic infernal.

À perdre Allen, Conversation avec Woody Allen:post

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Beaucoup de vos films le démontrent : vous avez toujours été attiré par les années d’avant-guerre. Est-ce que vous éprouvez le même intérêt pour le sport de cette époque ?

Pas vraiment. Aux États-Unis, le public considère les champions d’alors – les Bill Tilden, Johnny Weismuller ou Jesse Owens – comme des héros incomparables, témoins d’une sorte d’“âge d’or” inaccessible. C’est tout à fait théorique. En fait, ces gars-là sont bien moins extraordinaires qu’on veut bien le dire. Il faut l’admettre : les super-athlètes d’aujourd’hui sont nettement plus impressionnants. Il n’y a pas de comparaison possible.