Month: décembre 2015

Archives

L’Ange vert a soixante ans:post

Posted on

Vous venez de fêter vos soixante ans, qu’avez-vous ressenti ?

J’ai pris des petites résolutions (rires), à 60 ans. Je me suis dit : “Bon allez, faut que je me bouge un peu là, parce que…” Parce que je me consacre vraiment au club, à Saint-Étienne, depuis quatre ans. J’ai laissé pas mal de choses de côté. Donc résolutions de début d’année à tous les niveaux. Santé, et essayer de consacrer un peu plus de temps à ma famille. À 60 ans, tu te dis “Merde”, ça passe vite… Comme j’aime bien faire du sport, je me suis remis à courir, avec mes enfants d’ailleurs. Voilà un peu ce que ça m’a fait.

On dit que les anges ne vieillissent pas…

Tu penses que les anges ne vieillissent pas, toi ? (rires)

Je ne me suis jamais considéré comme un ange, donc je vieillis.

Autres rivages:post

Posted on

De tous les sports que j’ai pratiqués à Cambridge, le football est demeuré pour moi une clairière balayée de vent au milieu d’une période assez embrouillée. J’avais la passion de garder le but. En Russie et dans les pays latins, ce noble art a toujours été nimbé d’un prestige particulier. Parce que son rôle le tient à l’écart, solitaire, impassible, le gardien de but de première force se voit suivi dans la rue par des petits garçons transportés d’enthousiasme. Il rivalise avec le matador et l’as d’aviation en tant qu’objet d’adulation frémissante. Son chandail, sa casquette, ses grenouillères, les gants qui dépassent de la poche à revolver de son short, le distinguent du reste de l’équipe. Il est l’aigle solitaire, l’homme de mystère, le défenseur ultime.

Dementia pugilistica:post

Posted on

Heureux les grands vaincus

Les rois désabusés.


Charles Péguy

Tant que je suis resté invaincu, je n’ai rien compris à la boxe et pas grand-chose au reste. N’avoir jamais perdu, c’est ne rien comprendre à ce qui se passe entre les cordes ni en dehors du ring, c’est croire que l’on peut aimer sans jamais avoir été trompé, jouir sans souffrir, être vivant sans risquer mourir. C’est être innocent. Ne rien savoir de soi, des autres et de la réalité. Être puceau. On est puceau de la défaite comme on l’est de la volupté.

Faire vivre une histoire:post

Posted on

Septembre en pente douce. Tiédeur d’arrière-saison, ciel blanc, tout est calme. La route décrit d’amples virages entre les pins maritimes, descente vers Port-La-Forêt, sous La Forêt-Fouesnant, baie que protège la pointe du Cap Coz. On sourit en pensant que l’on entre ici dans la Vallée des Fous, zone de turbulence où s’élaborent les rêves et les techniques des aventuriers de la course au large, périmètre où ils inventent, testent et peaufinent leur bateau, la matière de leur voile, leur ambition de vitesse, leur désir de victoire. Fief historique des familles Desjoyaux et Le Cam, dont il est le port d’attache, Port-Laf’ est désormais pôle de ralliement des skippers de la course au large et centre d’entraînement national – Desjoyaux, Le Cléac’h, Guillemot, Riou, Davies : les cinq premiers du Vendée Globe 2008-2009 se sont préparés là.

La Diagonale du fou:post

Posted on

Prologue, ou préambule, puisqu’on dit prologue pour les courses cyclistes et préambule pour les traités. On dit également ouverture pour les tournois de football et les opéras.

Il y a cent ans, Cendrars a écrit La Prose du Transsibérien. Autant qu’Alcools, elle inaugure la poésie contemporaine. Enthousiasmée par le poème, Sonia Delaunay a l’idée de peindre les pages du livre. Elle opte pour une feuille de papier japon ou simili de deux mètres qu’elle plie en accordéon. Les cent cinquante exemplaires, proposés par souscription, monteraient aussi hauts que la tour Eiffel. Hasard ou pas hasard, c’est la même année qu’on voit débouler La Roue de bicyclette de Marcel Duchamp. Et la voir tourner, la roue, car elle tourne, avait déjà “quelque chose d’apaisant”.

À tombeau ouvert:post

Posted on

Deux mains gauches

Par une fraîche nuit de décembre, quelques jours avant Noël, une puissante berline traverse la banlieue boisée de Graz, en Autriche. Aux commandes, Adrian Newey, directeur technique de l’écurie de Formule 1 Red Bull Racing. Avec Christian Horner, son directeur général, il vient rendre visite à Helmut Marko, ami et conseiller du propriétaire de l’équipe Dieter Mateschitz (“l’œil de Moscou”, dirait-on si cet ancien pilote n’avait perdu un œil au Grand prix de France 1972). Alors que leur hôte les attend au bout d’une allée bordée d’arbres, Newey improvise une glissade… et percute l’un des troncs, déchirant une aile. Aucun blessé, juste un peu de tôle froissée, et – surtout – pas un mot de reproche de la part de l’Autrichien d’ordinaire intransigeant.

Qu’est-ce que tu penses de Ted Williams maintenant ?:post

Posted on

Peu d’hommes visent le plus haut niveau ; Ted Williams fait partie de ceux-là. Cela me rappelle une anecdote à son sujet, qui ne concerne pas le baseball, mais la pêche sportive. Là aussi, il voulait être le meilleur. Il confia un jour à un journaliste de Boston : “Y a personne qui s’y connaît mieux en pêche que moi, ni sur terre ni au ciel.

– Bien sûr que si, répondit le scribe.

– Ah ouais ? Et qui ça ?

– Eh bien, c’est Dieu qui a créé le poisson.

– Bon, ok, répondit Ted. Mais ça remonte à loin.”

Kitei Son:post

Posted on

C’est l’image forte des Jeux de 1936. Et pourtant, elle est absente de notre Panthéon sportif. À Berlin, on s’est focalisé sur Hitler, Jesse Owens, les Juden Verboten et autres inscriptions antisémites remisées à la va-vite pour ne pas effrayer les visiteurs étrangers, c’est important ce nettoyage de la capitale pour les Jeux. Une vision occidentale. On en a oublié Kitei Son, les yeux baissés, sur la plus haute marche du podium du marathon. Il vient de tout gagner. Mais on dirait qu’il a tout perdu. Étrange attitude. Plus étrange encore, son double nom. Très longtemps, le CIO a laissé sur ses tablettes ce Kitei Son aux consonances japonaises. Mais dans les années 1980, le comité Olympique de Séoul a commencé à bombarder Lausanne de courriers pour que l’on rétablisse son véritable patronyme, coréen : Sohn Kee-Chung. En vain, jusqu’en 2011. Mais l’intéressé était mort depuis 2002, à près de quatre-vingt-dix ans. Et sur le palmarès des JO, le pays vainqueur reste encore le Japon, qui avait annexé la Corée en 1910, créant ce monstre répondant au doux nom de fusion nippo-coréenne.

Les Tapis rouges du Rwanda:post

Posted on

“Il n’y a que le foot qui pouvait nous réunir. Pas pour oublier, ça non, mais pour nous rapprocher !” L’oreille toujours collée à ses trois téléphones, Jean-Pierre savoure le succès d’un événement qu’il organise depuis plusieurs mois. Malgré les torrents de pluie qui se déversent sur le stade de Berchem-Sainte-Agathe, une petite commune de la banlieue de Bruxelles, les Rwandais sont venus en nombre. Après tout, l’affiche est alléchante : les anciennes gloires du Rayon Sports et de Kiyovu Sport, les deux grands rivaux historiques du championnat rwandais, sont réunies pour la première fois sur un terrain afin de rejouer le derby le plus enflammé du Rwanda.

Ali à La Havane:post

Posted on

À La Havane, la brise légère de cette douce soirée d’hiver agite les palmiers. Bercés par la sérénade incessante des joueurs de guitare qui chantent pour eux “Guan-tana-mera… guajira… Guan-tana-mera…”, les touristes venus d’Europe, d’Asie, ou d’Amérique du Sud s’entassent dans les grands restaurants. Au café Cantante, on peut voir et entendre de tumultueux danseurs de salsa, des rois du mambo, des saltimbanques torse nu qui ahanent en levant une table avec leurs dents, ou encore des femmes portant la coiffe traditionnelle et une jupe taille basse qui s’époumonent dans leur sifflet tandis que le corps luisant tourbillonne dans une frénésie érotique. Partout aux terrasses des cafés, mais aussi dans les restaurants, les hôtels et les lieux publics de l’île, on fume cigarettes et cigares sans aucune retenue et en toute légalité.

Cultiver sa solitude jusqu’à se perdre:post

Posted on

Sur les hauteurs de Laval, au sommet d’un Golgotha de rues pavées et de placettes arborées, une secte de marins prêcheurs sacrifient au culte d’un Christ suranné. Un enfant du pays, grandi dans l’opulence, élevé dans l’orthodoxie, fragile et souffreteux, et néanmoins conquérant. Avide de rupture, pressé de changements, pour qui la “volonté tendue” était un projet, et l’“énergie du devenir” un précepte. Très tôt, Alain Gerbault fit vœu de surplomber les abîmes, un territoire autrement vertigineux que les perspectives qu’il cultiva, son enfance durant, sur les rives si paisibles de la Mayenne.

Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas:post

Posted on

“C’est tout de même une honte qu’une vingtaine de jeunes du centre de la Serbie soient les seuls à célébrer cet événement qui a marqué nos vies à tous, non ?” interroge le jeune homme attablé à une terrasse de Belgrade aux pavés bosselés.

Sous le parasol à rayures et le cagnard printanier, Veljko raconte sa virée hivernale de l’année 2009. Avec son groupe d’amis, ils sont allés skier dans les montagnes de Bosnie-Herzégovine et, pour commémorer les vingt-cinq ans des Jeux d’hiver de 1984, ils ont arboré pendant une semaine, dans les bars, dans les restaurants et sur les pistes, un T-shirt imprimé en l’honneur de cet anniversaire.

Farce hongroise à Cany-Barville:post

Posted on

En couverture de La Voix du Nord, entre deux gendarmes, on distingue à peine une tache blanche, la main brandie par Ladislav Vereb pour se protéger des flashs et des regards. Son visage reste un mystère et ce n’est pas son nom qui fait la Une du quotidien nordiste, le 3 août 1954. En gros caractères, le titre révèle : “Zacharias, le footballeur international échappé de Hongrie n’était qu’un imposteur qui voulait faire parler de lui”. L’imposture éclipse son auteur. À peine comprend-on au détour de l’article qu’il est tchèque, polyglotte, ancien légionnaire et père de famille. Ressemblait-il au vrai Zacharias ? Pourquoi avoir menti ? Comment s’est-il échappé de sa résidence surveillée dans le Lot pour se retrouver à mille kilomètres de chez lui, en Belgique, à la frontière française ?

Une étoile filante:post

Posted on

Omsk, dans l’oblast du même nom, en Sibérie, est si loin de Moscou que le temps, selon que l’on y aille ou que l’on en vienne, se dilate ou se rétrécit. 2500 kilomètres, trois fuseaux horaires et Dieu sait combien de points de PIB par habitant séparent les deux villes, pourtant l’une et l’autre appartenant au même territoire, celui, immense, gigantesque (les superlatifs ne sont pas de trop quand il s’agit d’un huitième des terres émergées), de la Fédération de Russie.

Omsk, donc. Au milieu de nulle part. Michel Strogoff y est né (ou plutôt Jules Verne l’y a fait naître), Dostoïevski en son bagne y séjourna quatre ans, et un million de personnes, un peu plus d’un million, y vit aujourd’hui sous plusieurs couches de vêtements, en chapkas et manteaux de fourrure quasiment tout au long de l’année – à Omsk, il n’y a que deux saisons : l’hiver, et le mois de juillet.

Le Laos : patrie de pétanque:post

Posted on

Depuis 2001, le Laos remporte des médailles d’or en pétanque à tous les Jeux d’Asie du Sud-Est. Fierté nationale, le jeu de boules s’est émancipé de son héritage colonial. Loin du Pastis et du sud de la France, des effluves de thym et des ambiances pagnolesques, il est aujourd’hui un sport résolument moderne et laotien.

Les fans de Boston font leurs adieux au gamin:post

Posted on

Fenway Park, à Boston, est un petit stade de base-ball d’une beauté lyrique. Tout y est peint en vert et ressort de façon curieusement nette, comme si l’on regardait à l’intérieur d’un œuf de Pâques ancien. Il a été construit en 1912, rénové en 1934, et comme la plupart des structures bostoniennes, offre un compromis entre les déterminations euclidiennes de l’Homme et les séduisantes irrégularités de la Nature. Le champ droit est l’un des plus profonds de la Ligue américaine, tandis que le gauche est le plus court ; le haut mur du champ gauche, à quatre-vingt-seize mètres du marbre en suivant la ligne de champ, semble se jeter de toute sa surface sur les frappeurs droitiers. L’après-midi du mercredi 28 septembre, alors que je prenais place derrière la troisième base, un agent en uniforme chargé de l’entretien du terrain, en haut de ce mur, ramassait des balles de home runs frappées à l’entraînement, comme un cueilleur de champignons au bord d’une falaise dans un poème de Wordsworth.

Journal de voyage à La Courneuve:post

Posted on

Personne ne devrait raisonnablement douter qu’on voyage autant dans l’espace que dans le temps. Et personne ne devrait ignorer combien est ténue la frontière entre hasard et nécessité dans nos vies. Ainsi ce voyage commence-t-il dans les années soixante, du côté de Bagatelle, un jeudi d’ASSU ou un dimanche de roseraie, sur ces terrains bosselés où j’ai vu des types jouer avec un ballon ovale plus petit qu’un ballon de rugby, qu’ils lançaient comme une torpille, d’une main, et je pouvais voir un lacet blanc sur le cuir marron. Je le lancerai à mon tour, avec nos trois garçons lors de notre voyage d’un été aux États-Unis, puis dix ans plus tard à Noël, dans le parc enneigé derrière Grand Army Plaza. Cet hiver-là, pendant la morte-saison du base-ball, j’avais vu aussi quelques fragments de matchs à la télévision, préludant à la finale du XXXIIe Super Bowl gagné par les Broncos (de Denver) contre les Packers (de Green Bay).

La Gazzetta dello Sport:post

Posted on

Les pages roses, je les avais déjà feuilletées avant de découvrir La Gazzetta dello sport. Elles nous attendaient à la fin du Petit Larousse illustré, après les noms communs et les noms propres – comme si les noms propres étaient déjà des noms communs –, et avant les drapeaux multicolores qui avivaient l’invitation au voyage. Sur une trentaine de pages, on baguenaudait dans le bocage des locutions latines et étrangères. Acta est fabula, par exemple, c’est ainsi que dans le théâtre antique on annonçait la fin de la représentation et ce sont aussi les trois derniers mots prononcés par Auguste, l’empereur, sur son lit de mort. Les pages roses constituaient une initiation à la littérature, à l’histoire romaine et au sport. Antoine Blondin n’évoquait pas autrement le marathon olympique : “Cette course-apothéose que nous suivions par échos répercutés d’une colline à l’autre se courait entre les pages roses du dictionnaire.”

Revers et dérivées à Tornado Alley:post

Posted on

Quand je quittai la bourgade agraire enclose de l’Illinois où j’avais grandi pour, suivant les traces de mon père, faire mes études dans les montagnes du Berkshire, saillant blêmes dans l’ouest du Massachusetts, je me pris de passion pour les maths. Je commence à comprendre pourquoi. Les mathématiques niveau fac suscitent et subliment le mal du pays qui étreint l’étudiant débarqué du Midwest. J’avais grandi au milieu d’un espace vectoriel, quadrillé de lignes et de lignes en travers d’autres lignes – et, amples comme autant d’horizons, de vastes arcs géodynamiques, l’étrange tourbillon topographique par lequel s’écoule toute une étendue repassée par la glace, une terre qui vire et pivote sur son socle tectonique. L’aire qui s’étalait au-delà et en deçà de ces larges courbes à la jointure de la terre et du ciel, je pouvais en prendre le levé à vue d’œil bien avant de comprendre les infiniment petits comme des droits de passage, les intégrales comme des schémas. Faire des maths dans un établissement vallonné de l’est était comme un réveil ; démantelée, la mémoire était mise au jour. L’analyse était, littéralement, un jeu d’enfant.

Les Personnalités bien trempées du tennis:post

Posted on

Le mot “personnalité” et son pluriel me posent problème – ils me gênent – notamment dans des formules telles que “de nos jours, le tennis manque de personnalités” ou “le tennis a besoin d’une nouvelle star qui soit une vraie personnalité”. Cela dit, si, à l’avenir, on me permet d’utiliser ce terme entre guillemets et de l’employer comme exact synonyme d’une expression composée de trois syllabes, de neuf lettres, commençant par un t, se terminant par un l (et comprenant, dans cet ordre, les lettres intermédiaires suivantes : r, o, u, plus loin d, u, espace, c et encore un u), alors, dans ce cas, personnalité et moi allons bien nous entendre.

La Discobole et son piano:post

Posted on

Son maître, le pianiste Lazare Lévy, l’appelait sa “grande élève”. En juin 1936, il l’avait reçue et avait accepté de la préparer à entrer dans sa classe si réputée du conservatoire de musique de la rue de Madrid.

“Et quelle belle main !” avait-il ajouté, prenant dans la sienne les longs doigts de la jeune fille.

Grande élève, comme on dit un grand homme et comme on ne dit pas : une grande femme.
Micheline Ostermeyer était une grande femme, elle est restée une inconnue. Serait-ce à cause de cette liberté extraordinaire qui fit d’elle une triple médaillée olympique désinvolte, une pianiste concertiste aussi acharnée que discrète, arrivant là où jamais elle n’était attendue, et pourtant tellement sûre de son génie, de son travail, de sa morale et de ses choix.

Le Suédois marseillais:post

Posted on

2 janvier 2013

Les cigales se sont tues, mais les rochers du Petit Nice font le plein de baigneurs, face à la mer. Les marbres du cimetière Saint-Pierre se réchauffent au soleil de midi et les chrysanthèmes ayant survécu à la Toussaint remercient une Provence bienveillante.

À Marseille, l’été s’annonce déjà. Un vieil homme tient un bouquet de lauriers jaunes et de glaïeuls face à un caveau de granit gris. Nos regards se croisent.

“Vous êtes de la famille ?

– Non, juste un ami…

– Ah, de Gunnar ?

– Oui…

– Oh, pôvre…”

La Bonne Mère du 26 mai 1993…:post

Posted on

1

C’était une année à faire rouler des têtes. Une année de bicentenaire de la Révolution française. Et Dieu sait comme le sang coulait généreusement sur les pavés de Paris, été 1793. Une année de terreur pour l’équipe de France de Gérard Houllier, décapitée au Parc des Princes, le 17 novembre, par la Bulgarie de Stoichkov et de Kostadinov. Onze heures du soir dans les coursives du Parc. Je revois le capitaine bulgare se fendre d’un terrible bras d’honneur au pied de la tribune présidentielle. Desailly fracasser la porte du vestiaire. Dans la nuit froide de la Porte de Saint-Cloud, Gérard Houllier dénonçait crimes et complots. Franck Sauzée me faisait rire en m’expliquant qu’il se contenterait de regarder la Coupe du monde américaine devant sa télévision. Avec un bon Coca-Cola. Mais il avait sans doute la Coupe d’Europe dans le viseur…

Cahuzac passe à l’aile:post

Posted on

Il est commun d’entendre que le sport transcende les clivages, rapproche ennemis farouches un soir de victoire, peut jusqu’à dessiner une fausse France réconciliée sous l’étendard vite rangé “black, blanc, beur”. Force est de constater qu’il peut unir les oppositions, en témoigne l’équipe de football de l’Assemblée nationale, dite Sélection républicaine. À l’orée de l’été, elle affronte traditionnellement en gala le Variété Club de France, équipe hétéroclite associant gloires rangées du ballon rond à quelques personnalités. Albert Camus, dans un entretien accordé en 1953 au modeste Bulletin du Racing Universitaire d’Alger, dont il fut gardien junior, affirmait : “Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c’est au football que je le dois.”

Seconds Couteaux Fines Lames:post

Posted on

Le second couteau est un remueur. On attend de lui qu’il mette un jour le nez à la fenêtre et le feu aux poudres, qu’il secoue. Il sort de la grisaille du peloton, il en a la force, il n’est pas anonyme, on connaît son visage et sa manière, on reconnaît aussitôt son déhanché, sa grimace, sa stature, son côté cinglé et sacrificiel qui manque tant aux autres et qui fait que la course reste incertaine, improbable.

Les seconds couteaux sont le génie dans le système. Ils sont l’action, l’imprévu, le geste sans calcul. Ils apportent la preuve que la victoire est possible et qu’elle ne peut pas toujours être confisquée par les plus forts.

Tour de France 2000:post

Posted on

Au début du mois de juillet, alors que les coureurs du premier Tour de France du nouveau millénaire entamaient leur descente sinueuse vers le sud à travers les plaines occidentales du pays, j’ai visité un petit musée consacré au cyclisme dans la station thermale galloise de Llandrindod Wells. Il y a, dans ce monument à l’obsession conservatrice, parmi les vélocipèdes et les engins à roue motrice datant d’avant 1896, les colliers de câbles et les trousses de réparation présentés comme des reliques, une petite vitrine qui contient les restes vestimentaires du coureur cycliste britannique Tom Simpson. Un maillot d’un blanc douteux : col à fermeture éclair, un grand Union Jack, le drapeau du Royaume-Uni, sur chaque épaule, logo du fabricant (Le Coq Sportif) sur le devant, et traces décolorées de colle en travers révélant le retrait d’un nom de sponsor peut-être, ou des galons bariolés remis à l’occasion de quelque victoire passée.

Et la transcendance, bordel ?:post

Posted on

Maintenant que j’y pense, ma dernière course – mon dernier dossard – remonte à un moment. Il y a, attendez voir, plus de… dix-huit ans, que je me suis décidé à jeter l’éponge. C’était le 16 août 1996, le souvenir reste précis dans ma mémoire. J’avais couru la veille au soir un critérium en bord de Loire. À Gien, tiens. Je m’étais échiné avec les autres, cinquante ou soixante fois la même petite côte, les mêmes freinages et les mêmes virages, cinquante ou soixante passages sur la ligne d’arrivée, dans cette espèce de frénésie tranquille, cette fureur distanciée et sûre d’elle, cette étrange incontinence musculaire que confère l’amphétamine. J’étais maigre comme un clou, je marchais comme une bête. Parce qu’il me revient de le dire, oui : depuis quelques semaines, après dix ans de courses à plein temps, je m’injectais une petite bulle sous la peau de la cuisse avant le départ.

Aura du sol:post

Posted on

Ma bibliothèque est remplie de petits coureurs en métal qui prennent d’assaut le dénivelé des étagères. Ils forment un cortège immobile qui donne pourtant au regard une sensation de vitesse. Leur coup de pédale aérien passe devant mes Romain Gary (La Promesse de l’aube), mes Marguerite Duras (Des journées entières dans les arbres), mes Modiano (Rue des Boutiques Obscures). Quand le soleil transperce la verrière du bureau, il dore chaque coureur, le maillot jaune et tous les autres. Dans mon cirque démocratique, même les obscurs prennent la lumière. Moi pour qui le stylo n’est jamais loin du vélo, moi qui confondrais l’encre et le cambouis tachant le bout de mes doigts, je contemple le spectacle muet de mes champions miniatures comme s’ils étaient de vrais géants, des géants de poche. Ils m’accompagnent depuis l’enfance, et ensemble nous nous relayons pour apprendre à ne pas grandir.

Histoires Naturelles du dopage:post

Posted on

Antoine Vayer c’est Hérodote en short kaki et sandales romaines qui raconte ses guerres contre le dopage. C’est aussi Ptolémée qui légitime les calculs de puissance exprimés en watts qui ont confondu les vainqueurs du Tour, ceux qui y ont prétendu, et ceux dont la supercherie a été mise en lumière. Antoine Vayer c’est aussi l’homme des catégories : “les suspects” qui tournent autour des 410 watts, “les miraculeux” qui franchissent les 430 watts et “les mutants” qui tutoient les 450 watts, où comment tracter une charge de 100 kilos après cinq heures d’effort dans une pente à 10 %. Antoine a 52 ans, il est aujourd’hui professeur d’EPS à Saint-Brieuc. Il entraîne toujours quelques jeunes pros à qui il délivre ses programmes. Vayer est celui qui a renseigné ses contemporains et quelques journalistes dès le début de l’affaire.

Quintuplé de Messi à la Maison TV5:post

Posted on

“Eh ! toi, là-bas ! Tu crois que je t’ai pas vu ? Allez kay fii, arrive ici me donner mes deux cents.” Assis à une petite table dans l’obscurité, une boîte métallique bleue devant lui, César, couramment dit “le grand César”, encaisse les recettes. Deux cents francs par tête, trente centimes d’euro, un tiers de bière Gazelle, la moitié d’une petite Flag. Le tarif Ligue des Champions. Le double du droit d’entrée aux matchs de Liga ou de Premier League. Et deux cents francs de plus que pour les matchs de Ligue 1, invariablement gratuits, car qui paierait pour venir voir s’affronter Bordeaux et Nancy, ou même Bordeaux et l’OM, club français le plus populaire depuis les piges de Mamadou Niang sous les couleurs phocéennes.

Outre ses fonctions de jardinier de l’Alliance franco-sénégalaise de Ziguinchor, principale ville de Casamance, au sud du Sénégal, César est président de la Maison TV5. Il a l’ampleur et le coffre des lutteurs poids lourds de son village de Cabrousse, l’intimité avec les plantes d’un guérisseur, la voix flûtée d’un oiseleur.

Du mur au rêve:post

Posted on

Il y avait jadis, dans le grand club parisien dont j’étais un des jeunes membres, un joueur au style merveilleux. Je le voyais en train de s’entraîner – au mur – des heures durant ou bien effectuant, tout aussi longuement, des séries de service sur un court annexe, et toujours en solitaire. S’il lui arrivait de s’entraîner avec quelques partenaires complaisants, m’avait-on prévenu, c’était à la condition expresse qu’on ne lui proposât jamais, au grand jamais, de compter les points. Comme il était nettement plus âgé que moi, je fus longtemps à hésiter avant de lui proposer mes services en tant que sparring partner, avide comme je l’étais de profiter du mimétisme de son style impeccable. Pourtant, je finis un jour par m’enhardir et fus alors surpris de l’affabilité avec laquelle il accueillit mon offre. Sans doute avait-il perçu d’emblée une affinité élective chez son admirateur. Nous commençâmes donc à nous entraîner de concert, perfectionnant nos gestes et nos tactiques des journées entières, glosant infiniment ensuite, dans les vestiaires – diagrammes à l’appui –, sur la réalisation éventuelle de nos “grandes espérances”.

Chessboxing:post

Posted on

L’actrice Charlotte Rampling et l’artiste auteur de BD Enki Bilal posent devant un mur d’appareils photos crépitant. Tous deux sont vêtus de noir, et le sourire de l’actrice est plus énigmatique que jamais. Au premier étage de l’hôtel particulier du Rond-Point des Champs-Élysées qui abrite la maison de ventes Artcurial, dans un coin d’une pièce, un ring au revêtement noir a été installé. Autour, parquets, dorures, doubles-portes, moulures et hauts plafonds semblent s’être effacés. En son centre, une table d’échecs gît sous une tâche de lumière rouge, mise en valeur comme un objet d’art à un vernissage. On entend quelques notes de piano, ce pourrait être une Gymnopédie d’Erik Satie. Un grand écran diffuse en boucle des images muettes de séances de chessboxing à Krasnoïarsk, en Russie, et d’Enki Bilal à l’une de ses expositions. Un DJ prépare ses platines.

Mes French, William Klein:post

Posted on

Entretien avec le photographe J’étais comme un gosse dans une pâtisserie la nuit.

Nous sommes rue de Médicis, vos fenêtres donnent sur le jardin du Luxembourg et ses courts de tennis.

J’ai joué là. J’avais un ami avec lequel je jouais deux fois par semaine. On se levait le matin, on regardait le temps dehors. On avait accès aussi à un court rue Brézin, dans le XIVe, en arrière-cour d’une maison bourgeoise. Il y avait là un tennis, qui appartenait au ministère de l’Agriculture. On pouvait jouer si on était membre. C’était formidable d’avoir son propre court… un court privé dans le XIVe. Et parfois, avec mon copain, mon partenaire, on y allait l’hiver, il y avait de la glace sur le court, qu’on devait casser pour pouvoir jouer. Mais on était vraiment obsédés.

Magic:post

Posted on

Il y a vingt ans, il se serait assis à côté de Jay Z, de Beyoncé ou d’Eva Longoria, les invités prestigieux présents à la dernière cérémonie d’investiture du président des États-Unis. Mais voilà, le 21 janvier dernier à Washington, Magic Johnson a délaissé ses anciens bancs pour se joindre à l’équipe Obama dont il fut, pendant quatre ans, le consultant principal sur la question du développement des ghettos américains. Impeccable dans son costume gris foncé et son pardessus beige, l’ancien meneur des Los Angeles Lakers, cinquante-trois ans, a gratifié de son légendaire sourire et de quelques applaudissements nourris son champion, Barack. Le roi de l’arène, port altier, le torse presque bombé, se tenait devant son pupitre, haranguant ses supporteurs, déroulant ses ambitions pour l’Amérique. L’ambiance était festive, un brin électrique.

Vive le hockey libre !:post

Posted on

Début août, un mercredi soir de canicule à Montréal. Vingt-huit degrés malgré le soleil couchant. En mettant le pied dans l’aréna, la différence de température saisit – c’est comme entrer dans un réfrigérateur. Au-dessus de la glace lisse flotte un léger brouillard.

Dans le vestiaire, en lançant blagues et railleries, mes coéquipiers troquent leur short et leurs sandales pour les sous-vêtements longs et les multiples pièces d’équipement du joueur de hockey. Mais tout en prenant part à la gaminerie générale, chacun tente silencieusement de se concentrer sur le match à venir : regarde avant de passer, fonce au but plus souvent, garde la tête haute. La fébrilité qui nous a habités toute la journée va bientôt s’extérioriser dans un tourbillon de corps en mouvement, de couleurs, de cris, de chocs.

Nous pourrions avoir huit ans, l’histoire serait la même, les émotions identiques. Mais nous en avons trente, quarante, cinquante, et formons un mélange hétéroclite de professions, de classes sociales, de conditions physiques.

La Résistible Ascension de Jean-Marie Balestre:post

Posted on

Costume sombre, chemise noire, lunettes de soleil par tout temps, discours tonitruants et autoritaires, Jean-Marie Balestre fut pendant près d’un quart de siècle l’inflexible président de la Fédération française puis de la Fédération internationale du sport automobile. Admiré, craint, personnage complexe aux multiples visages, le Français régna en despote du début des années 1970 jusqu’à la fin du XXe siècle sur les sports mécaniques. Retracer la résistible ascension de Jean-Marie Balestre, de la presse de la fin des années 1930 à la collaboration en passant par la formule 1, revient à se demander de quoi cet opportuniste, acolyte de Robert Hersant, est-il le nom.

“À nous deux Paris”

Jean-Marie Balestre est né le 9 avril 1921 à Saint-Rémy-de-Provence, d’une mère au foyer et d’un père maraîcher, que ce fils unique préférera toujours présenter comme journaliste. Rien ne le prédestine à s’intéresser de près ou de loin aux sports mécaniques. Sinon ce lointain souvenir d’avoir un jour été transporté, enfant, dans le coffre d’une voiture – mais peut-être était-ce sur la banquette arrière – pour aller assister à une course de côte régionale.

“Faire peur à la peur”, Conversation avec Denis Podalydès:post

Posted on

Denis Podalydès, vous avez assisté au triomphe de José Tomás en septembre dernier à Nîmes. Les nombreux commentaires ont souligné le caractère exceptionnel du solo du torero, jusqu’à Francis Marmande parlant dans Le Monde *de “conversations de bar pour sept siècles”. Tout d’abord, au triomphe précède une préparation singulière. Vous apprenez que cette corrida a été “répétée” peu avant dans une arène près de Madrid, réunissant les trois futures cuadrillas. D’emblée, une question se pose : qu’est-ce que cela signifie, répéter une corrida ? À l’instar d’une pièce que l’on répète, d’un match pour lequel on s’entraîne, comment pourrait s’envisager une corrida répétée, telle que José Tomás l’a conçue, dans une arène vide ?

C’est surprenant… une corrida, ça ne se répète jamais. Je ne sais même pas si ça a déjà eu lieu dans l’histoire, qu’un torero songe à répéter sa corrida. Même ceux qui ont déjà fait des solos. Même lui, lors de ses solos précédents. Je connais bien tout ce qui a trait à Tomás, je n’ai pas mémoire qu’il ait songé à répéter.

Équipe type Desports:post

Posted on

Une entreprise, comme un club, est un pays miniature, une communauté construite sur des mythes fondateurs. En 1960, Giuseppe Panini fait un passage par l’hôpital municipal de Modène. Pour le bonheur des autres malades, il griffonne des portraits de footballeurs. Une fois remis sur pied, Giuseppe aurait mis
à profit la révélation de son bref séjour hospitalier : pour adorer les idoles du calcio,
les tifosi de la péninsule sont en mal d’icônes. Aujourd’hui, la légende est inscrite au fronton de la multinationale qui porte son nom.

Sans souscrire au récit officiel, il est possible que Giuseppe, kiosquier de son état, ait vérifié auprès des autres malades les résultats d’une enquête menée auprès de ces jeunes clients : ce sont bien les images de footballeurs glissées à l’intérieur des emballages qui poussent les enfants à venir lui acheter certaines marques de bonbons plutôt que d’autres. On pourrait donc vendre des vignettes séparément.

Sans doute est-ce en partant de ce constat qu’en 1960, un an avant l’hospitalisation de son frère, Benito Panini a fait l’acquisition à Milan d’un important stock d’images de footballeurs.

La Guerre du foot:post

Posted on

D’après Luis Suarez, il va y avoir une guerre. Or tout ce que dit Luis, je le crois. Nous habitons ensemble au Mexique et Luis me donne des leçons sur l’Amérique latine. Il m’initie à l’histoire de ce continent, il m’explique comment l’appréhender. Luis a d’ailleurs prévu de nombreux événements. En leur temps, il a pronostiqué la chute de Goulart au Brésil, la chute de Bosch en République dominicaine et celle de Jiménez au Venezuela. Bien avant le retour de Perón, il était convaincu que le vieux caudillo serait de nouveau président de l’Argentine, il a annoncé la mort prématurée du dictateur de Haïti, François Duvalier, que le monde croyait éternel. Luis sait se déplacer sur les sables mouvants de la politique latino-américaine dans lesquels les amateurs comme moi s’enlisent désespérément, faisant faux pas sur faux pas.

Cette fois-ci, Luis prononce son verdict après avoir lu dans la presse le compte rendu d’un match de football entre l’équipe du Honduras et celle du Salvador. L’enjeu de ce match était la participation à la Coupe du monde prévue en 1970 au Mexique.

Stratégie de match:post

Posted on

Du match même, un spectacle d’hommes aux épaules surdimensionnées qui se démènent sur l’herbe, je ne me rappelle pas grand-chose, voire rien du tout. Nous avons ce soir-là bien joué ou mal joué, gagné ou perdu. Ce que je me rappelle, ce sont les noms de nos tactiques et ceux des joueurs. Nous affrontons l’équipe du West Centrex Biotechnical Institute. Ils sont plus costauds que nous, un peu plus rapides, peut-être même mieux entraînés, mais pour autant que je me souvienne les noms de nos tactiques sont les meilleurs.

À l’engagement, l’équipe à domicile recule pour trouver ses marques, pour prendre son rythme. Sous l’élan du ballon qui vrille, l’autre équipe charge, les exclamations prennent des proportions mammouthéennes, des petites guerres éclatent ici ou là, exultation et premier sang, un casque qui rebondit lumineux sur l’herbe phosphorescente, l’impact à souffle coupé de deux masses destructrices, tout à fait joli à regarder.

On se retrouve au trente et unième yard pour un regroupement.

À dada sur mon minerai:post

Posted on

Méfiez-vous. Ces clichés d’élégants cavaliers blancs juchés sur de superbes montures pansées par des palefreniers noirs n’appartiennent pas à un fonds d’archives coloniales. Le 30 juin 2010, quelques mois avant l’ouverture du Grand jumping annuel de Lubumbashi, la République démocratique du Congo fêtait le cinquantenaire de son indépendance en grande pompe.

Et bien que le président du Cercle hippique de Lubumbashi soit un riche industriel de nationalité belge, dont l’empire est taillé dans le cuivre du Katanga, gardons-nous bien de tomber dans l’amalgame. L’argent n’a pas de couleur, mais il a une histoire. Or, celle de monsieur Forrest, “vice-roi du Katanga” pour ses contempteurs, est loin d’être monochrome.

Son Cercle équestre est d’ailleurs très ouvert. Personne n’est a priori exclu du grand rassemblement sportif qui y est organisé tous les ans. Difficile en revanche, pour l’immense majorité des Congolais, de passer du côté doré de la barrière. C’est qu’il faut un certain niveau pour participer au Grand Derby et un certain revenu pour espérer y prendre part.

J’avoue que j’étais un buteur:post

Posted on

Poussé par des amis, il m’est arrivé quelquefois d’avouer comment et pourquoi diable j’avais décidé d’être écrivain ou, pour parler plus modestement, d’approcher la littérature.
J’envie parfois les femmes et les hommes de lettres qui avouent avoir vécu en compagnie de bibliothèques familiales vétustes et bien remplies. Ce n’est pas mon cas. J’ai grandi dans un quartier prolétaire de Santiago du Chili et, même s’il y avait à la maison quelques livres, surtout des romans d’aventure, Jules Verne, Emilio Salgari, Jack London, Karl May, dire qu’il s’agissait d’une bibliothèque relèverait d’une terrible prétention.

Lorsque j’étais un enfant, ou un préadolescent de treize ans, mon grand rêve était de percer dans le football et d’arriver un jour à devenir professionnel de ce grand sport. Je ne me débrouillais pas trop mal. J’étais avant-centre dans l’équipe minime de l’Unidos Venceremos FC, le club de mon quartier, Vivaceta.

Mon rapprochement avec la littérature a commencé un dimanche d’été tandis que, mes chaussures de foot sur l’épaule, je me dirigeais vers le stade Lo Saenz, propriété du syndicat Santiago Watt regroupant les ouvriers de Chilectra, la compagnie chilienne d’électricité.

100 Tours de France en 50 chiffres:post

Posted on

Boule à zéro

Les cyclistes, on le sait, se rasent les jambes. Voilà bien longtemps que l’on n’a plus vu une patte velue sur le Tour de France. Ils le font officiellement pour des raisons d’hygiène : en cas d’accident, ils préfèrent ne pas avoir de saletés accrochées aux poils et ne pas subir l’arrachage dudit poil collé au sparadrap… Ils le font aussi pour le confort : nombreux sont ceux qui soutiennent que, pour le providentiel massage du soir, la jambe rasée est plus confortable sous la main et l’onguent. Mais la raison secrète de tous est que la jambe rasée est belle et que le cycliste est fier de son outil de travail. Chut !

En revanche, les coureurs gardent volontiers une barbe de deux ou trois jours. Le rasage des joues leur ôterait de l’influx nerveux. Voilà qui devient bien mystérieux.

Comment expliquer alors que, depuis quelques années, on voie également fleurir dans le peloton des boules à zéro ? Marco Pantani semble avoir lancé la mode de se raser le crâne. Rasmussen l’a suivi, John Gadret aussi, puis d’autres.

Magic Mahjong Social Pung:post

Posted on

Peut-être qu’à cet instant, peut être que là, maintenant, quelque part à Shanghai, dans la vapeur glacée de l’hiver, quatre joueurs, courbés dans un café où coule du saké, entament une partie de mah-jong. Peut-être que l’un, presque chauve, le corps collant de transpiration, au bord de l’extase, les doigts qui tremblotent, est en train de se ruiner, vaincu par un grand chevelu. Il n’arrive pas à s’arrêter, pris dans les tourments du jeu. Peut-être qu’ailleurs, quelque part au milieu d’Aokigahara, une forêt du Japon, quatre autres gaillards jouent depuis des heures, leur souffle toujours régulier. Et la forêt, autour, aussi impeccable et infinie. Peut-être qu’à l’autre bout de tout, à l’autre bout de rien, d’autres, et d’autres encore, s’enlisent dans des parties de mah-jong, juste pour profiter de l’instant, juste pour le défi. Là, Paris s’est plongé dans de beaux draps noirs. Le ciel, soudainement, s’est fait menaçant. Et puis il s’est éteint, le jour s’est fait la malle sous les nuages. La nuit, comme un coup de massue, s’est abattue sur les rues trempées.

J’étais en mission, Conversation avec Yannick Noah:post

Posted on

Quand nous nous sommes entretenus avec William Klein, nous lui avons montré des captures d’écran du documentaire The French dans lesquelles Arthur Ashe vous regarde jouer. Les voici (Yannick Noah les observe). Dans le regard d’Ashe, il y a un côté paternel, mais dans le bon sens du terme. Un côté bienveillant, sûr de vos performances. Et il dit : “Il va assurer.”

Si tu vois ça dans un film, tu te dis : c’est un peu too much. L’histoire parle d’un môme au Cameroun. À l’époque, je crois qu’il y a neuf courts dans tout le pays. Donc les probabilités pour que je joue au tennis, c’est juste zéro. Je me retrouve à jouer au tennis… bon. Les gosses n’ont pas accès aux courts donc on joue contre un mur. On n’a pas de raquettes, on s’en fabrique avec des planches en bois, des espèces d’énormes raquettes de ping-pong. Et sur la mienne, j’ai marqué au stylo “Arthur Ashe”. Et voilà, un jour, des professionnels américains arrivent au club à Yaoundé… complètement improbable. C’est improbable que ces mecs, en 1971, débarquent au tennis club de Yaoundé (Rires).

La Batte ou le crayon:post

Posted on

J’avais huit ans. À ce moment de ma vie, rien ne me paraissait plus important que le base-ball.

Mon équipe, c’était les New York Giants, et je suivais avec toute la dévotion d’un vrai croyant les exploits de ces hommes coiffés de noir et orange. Aujourd’hui, quand je repense à cette équipe qui n’existe plus et jouait dans un stade qui n’existe plus, je peux encore aligner les noms de presque tous les joueurs inscrits au rôle. Alvin Dark, Whitey Lockman, Don Mueller, Johnny Antonelli, Monte Irvin, Hoyt Wilhelm. Mais aucun ne me semblait plus grand, plus parfait, plus digne d’adoration que Willie Mays, l’incandescent “Say Hey Kid”.

Ce printemps-là, on m’a emmené à mon premier match de grande ligue. Des amis de mes parents avaient une loge aux Polo Grounds et, un soir de mai, nous sommes allés en groupe voir les Giants jouer contre les Milwaukee Braves. Je ne sais plus qui a gagné, je ne me souviens pas d’un seul détail du jeu, mais je me rappelle qu’après la fin du match mes parents et leurs amis sont restés assis à discuter jusqu’à ce que tous les autres spectateurs soient partis.

Abécédaire de la petite reine belge:post

Posted on

Abakoumov

ou la Belgique comme foyer et pays d’accueil pour les cyclistes étrangers, les Anglo-Saxons, les Scandinaves, ici un Ukrainien. Igor est né à Berdiansk au bord de la mer d’Azov où l’on est habitué aux harengs séchés, fumés, saurs, mais moins aux marinés et aux rollmops. À trente et un ans, il s’entraîne toujours sur les routes belges mais se retrouve au chômage et répète “on sait maintenant qu’il n’y a pas que le vélo dans la vie”. Il était parti sur les traces d’Andreï Tchmil, tour à tour soviétique, russe, moldave, ukrainien, obtenant la nationalité belge pour ses trente-cinq ans, l’étrennant par une victoire à Kuurne-Bruxelles-Kuurne, après qu’on l’avait vu voler sur les pavés du Nord ou plutôt les labourer comme un cheval, courant encore quatre ans, puis devenant manager de l’équipe Katusha avant de se porter candidat à la présidence de l’Union Cycliste Internationale. Là-bas, jadis, était resté Boris Sloutski, coureur méconnu, poète pas beaucoup plus reconnu, qui a pourtant écrit un très beau poème sur le sujet :

“Le plus important c’était les usines

On avait asphalté les banlieues avant

le centre.

Elles menaient aux usines

Tracteurs de Kharkov

Usines de vélo

Faucille et marteau

Le soir

Nous sortions à vélo

Et faisions la course sur l’asphalte

C’est Sérioja Makéev qui donnait le rythme.”

Saute-Chameau:post

Posted on

À l’abri du “mafraj”

C’est l’heure la plus chaude d’une des régions les plus chaudes au monde. La Tihama yéménite est une vaste plaine côtière qui s’étend le long de la mer Rouge. Le soleil tombe droit sur les épaules, tout suffoque. Le moindre effort couvre la peau de sueur. L’humidité donne l’impression de vivre dans un bain turc. Ce n’est pas seulement la chaleur. C’est la pesanteur. Dans la Tihama, on doit peser plus lourd que partout ailleurs sur Terre.

Mais je suis peut-être dans le mafraj le plus agréable de la Tihama. C’est la pièce où l’on reçoit les invités au Yémen et comme dans tous les mafraj, pas de tables ni de chaises mais des matelas et deux sortes de coussins : les durs, pour s’accouder, les mous, pour s’affaler. Au premier étage d’une grange de Husseiniya, un petit air chaud danse, encouragé par un lourd ventilateur. Dehors, un générateur fait le bruit d’un moteur de B-17 – il doit dater de la même époque que la Forteresse volante. Il pompe l’eau des nappes phréatiques pour faire boire les vergers autour de la grange.

Les Trois Braqueuses:post

Posted on

Grandes. Elles sont grandes. De grandes filles, de grandes femmes. Si grandes que les voir là, rassemblées dans le hall d’un hôtel, hors de la lucarne télévisuelle, libérées du bornage du petit écran, impressionne – chose étrange, leur nombre semble encore accroître leur taille – ; si grandes qu’elles occupent immédiatement les lieux ; si grandes que, loin d’étouffer la surface, elles la mettent en branle et la dynamisent, y tracent des lignes, y ouvrent des diagonales, y inscrivent une présence mobile et souple, élancée, tout cela étant beau à voir et, par ailleurs un peu leur spécialité puisqu’elles sont basketteuses et de surcroît vice-championnes olympiques.

Un matin de septembre à Boulogne-sur-Seine, une petite pièce – quinze mètres carrés, moquette rase et mobilier fonctionnel, odeur de plastique neuf, une table, des chaises, une baie vitrée, du café, de l’eau – et deux filles qui entrent, se présentent, Emmeline Ndongue et Endéné Miyem dite Endy, respectivement intérieure et ailière de l’équipe de France  – soit la partie pour le tout.

Arthur Cravan versus Jack Johnson:post

Posted on

23 avril 1916, Plaza Monumental à Barcelone, a lieu le combat sans doute le plus étonnant de l’histoire de la boxe. À ma gauche, Jack Johnson, premier boxeur noir ravissant le titre de champion du monde des poids lourds à la race blanche. À ma droite, le poète prédadaïste, fondateur de l’inclassable revue Maintenant, autoproclamé “poète aux cheveux les plus courts du monde”, accessoirement neveu d’Oscar Wilde et champion de France de boxe, Arthur Cravan. Le match, supercherie sans enjeu sportif montée par quelques promoteurs véreux, se termine au bout de vingt minutes à la sixième reprise. Un combat déséquilibré mettant aux prises le géant blanc et le colosse noir, et dont l’issue précoce quoique attendue provoque la colère de cinq mille spectateurs ibériques. S’arrêter au seul résultat, à la déception, aux quolibets de la presse et aux soupçons de match arrangé revient à manquer le formidable coup artistico-sportif, le happening, que vient de réaliser Arthur Cravan, le poète-boxeur.

Luz Long & Jesse Owens, les amis de 36:post

Posted on

C’est à craindre : l’Histoire a tendance à bégayer ses tragédies. Le goût de la répétition.
Au moment exact où j’aperçois dans le rétroviseur la rencontre sportive la plus folle de l’histoire des Jeux olympiques, on dirait en effet que tout recommence. En Hongrie, les trompettes de la Renommée soufflent de nouveau pour les écrivains fascistes. On les célèbre ; on les regrette : effrayante répétition. Comme si les lettres bouleversantes adressées par le sauteur en longueur allemand, Luz Long, à son pote Jesse Owens, n’avaient servi à rien. Étrange nettoyage de l’Histoire. Des types, dans des tribunes officielles imaginaires, continuent sans doute de lever le bras devant plus de cent mille spectateurs. On achète de nouveau Mein Kampf dans quelques librairies belges. Soixante-dix ans… On dirait qu’à distance, le bras de fer se poursuit pour les deux gars du bac à sable : Jesse, le Noir, et Luz, le Blanc. Jesse Owens, qui n’avait besoin que d’une vague couverture pour se réchauffer entre deux courses.