traducteur
Frank Reichert
illustrateur
Aleksi Cavaillez
American folk

D’aucuns considèrent que les Basement Tapes – enregistrées en 1967 par Bob Dylan et les musiciens de The Band, dans le sous-sol d’une maison, quelque part dans l’État de New York – sont un sillon unique pour pénétrer le subconscient de l’Amérique. Voyant dans ces enregistrements comme le sommet d’un arbre, Greil Marcus part à la recherche de leurs racines. Débute alors une chevauchée sauvage, une entrée par effraction dans l’histoire souterraine de la musique folk américaine, peuplée d’acteurs aussi étranges qu’excentriques.

Extrait

J’habite à Berkeley, en Californie. Pendant vingt ans, j’ai gravi presque tous les jours la même colline escarpée et tortueuse jusqu’à un tronçon de rue pavée, du nom de Panoramic Way, qui débute derrière le stade de football de l’université de Californie. Quelques années plus tôt, alors que ma fascination pour l’Anthology of American Folk Music de Harry Smith – fascination qui remonte aux alentours de 1970 – virait à l’obsession, je me suis pris à imaginer que Smith avait vécu dans cette rue.

Je savais que Smith était né en 1923 à Portland (Oregon) et qu’il avait grandi à Seattle (Washington) et dans ses environs ; qu’il avait enregistré, adolescent, les cérémonies et les chants des tribus indiennes locales et qu’en 1940 il avait entrepris de collectionner des 78 tours de blues et de musique country des années 1920 et 1930 disponibles sur le marché. En 1952, à New York, alors que sa collection atteignait les dizaines de milliers, il avait réuni en une anthologie baptisée tout simplement, ou peut-être avec quelque arrogance, American Folk Music, quatre-vingt-quatre disques d’artistes oubliés : un recueil piraté, à la légalité pour le moins contestable, d’enregistrements édités à l’origine par des labels encore en activité tels que Columbia, Brunswick et Victor.

Ce texte a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Frank Reichert. Le texte a paru pour la première fois en 2001 dans Granta 76 : Music © Granta, 2001