photographe
Dmitri Donskoï
Boris

L’œil mécanique de Dmitri Donskoï a saisi pendant des années les moindres faits et gestes du représentant du plus grand pays du monde, récemment engagé dans l’écriture d’une nouvelle page de son histoire. Photographe officiel de Boris Eltsine, premier dirigeant russe de l’ère postsoviétique, par son regard à la fois empathique et libre, il n’a cessé de tendre vers ce point d’équilibre qui scelle la rencontre entre communication politique officielle et approche plasticienne.
Portrait du portraitiste.

Extrait

Mon avion s’était posé de nuit, dans une ville vaste où sautaient de petits feux d’artifices : Moscou. Puis la route, le défilé des réverbères, des barres d’immeubles et des hypermarchés cyrillisés – Ашан, Леруа Мерлeн, Икеа – et par le hublot du marchroutka ma nausée naquît : même la nuit, la ville freine et crie ! Une fois rendu, je payais le chauffeur asiate et passais de l’air vicié du dedans à celui vicié du dehors : Moscou : grands tunnels et petits kiosques, Escalators tièdes et mocassins beiges, longues jambes remontant sous des jupes courtes, églises pour touristes impatients d’en sortir, expatriés immodestes et clodos au sourire métallique qui lancent aux plus riches qu’eux : “Elle est contente, la merde ? Oh oui ! Elle a l’air contente !”… De tous les hommes, les Russes sont vraiment les plus étranges et les moins étrangers… Rien n’avait trop changé. Je n’avais donc pas tout à fait raté l’époque qui m’intéressait, et par chance ma nausée semblait bien moindre que celle de cette ville, que le reste du pays ne cherchait même pas à calmer… Moscou – Russie – j’étais perméable à ce pays.

Boris” est un texte inédit. © Feuilleton, 2013