Feuilleton Nº

5

Les prophètes du volcan

Sur un flanc du Yasur, un volcan aux éruptions stromboliennes menaçantes, Ipekel, un village bâti sur une île du Vanuatu en Mélanésie, perpétue une forme inédite du mystérieux culte du cargo. Cette croyance indigène, apparue au XIXe siècle sous l’influence des missionnaires chrétiens, allie étonnamment archaïsme religieux et fétichisme mercantile moderne. Aujourd’hui encore, les prophètes se succèdent pour alimenter le mythe en récits de toutes sortes et permettre, sans doute, au culte du cargo de franchir la barrière du temps.

Extrait

Le plus jeune doit avoir quatre ans. Les autres guère plus. En short, torse et pieds nus, ils se battent en duel avec des gants de boxe trop grands pour eux. Dans la jungle, au centre d’une clairière, les gamins se cognent. Assis en cercle autour d’eux, les adultes les regardent en riant. Les miniboxeurs prennent des airs furieux pour se filer de maladroits bourre-pifs. Devant la hargne des petits combattants, l’assistance est écroulée de rire.
Dans le village d’Ipekel, sur l’île de Tanna, au Vanuatu, la boxe est le jeu classique du samedi après-midi. Les gosses se fortifient tandis que les grands se paient une bonne tranche de rigolade. Parmi les spectateurs, le dos calé contre une grosse souche, le chef Maliwan Kelema s’est confortablement allongé sur le sol. Il crie de temps en temps pour encourager les boxeurs. La cinquantaine, poil grisonnant sur un torse athlétique, son visage est encadré de grosses rouflaquettes. Il porte un pagne de tissu bleu à fleurs blanches pour tout vêtement. C’est lui qui dirige ce village de trois cents personnes, installé au bord de la mer, dans la baie du Soufre.

Les prophètes du volcan est un texte inédit. © Feuilleton, 2012