Feuilleton Nº

12

Madoff en prison

illustrateur
Yann Kebbi
Madoff en prison

Condamné à cent cinquante ans de prison, Bernard Madoff, le chef d’orchestre de la plus grande escroquerie de l’histoire, estimée à plus de soixante-cinq milliards de dollars, aurait des raisons de se languir jusqu’à mourir d’ennui. Pourtant, la réalité est à mille lieues de l’enfer imaginé. Bien entouré dans sa prison de Caroline du Nord, Bernie ne se laisse guère ronger par la culpabilité. Au contraire, à l’en croire, il se sentirait enfin libéré d’un poids devenu trop lourd à porter. Plongée dans le quotidien d’un prisonnier pas comme les autres.

Extrait

En août 2009, peu après son arrivée à la prison fédérale de Butner en Caroline du Nord, Bernard L. Madoff faisait la queue pour recevoir ses médicaments contre l’hypertension, lorsqu’il entendit un de ses codétenus l’appeler par son nom. Madoff, alors âgé de soixante et onze ans, auteur de la chaîne de Ponzi la plus dévastatrice de l’histoire, était habillé comme tous les autres prisonniers. Il portait l’un de ses trois costumes standardisés couleur kaki avec son nom et son matricule collés sur la poche de sa chemise. L’heure de la promenade (le moment le plus agréable de la journée d’un prisonnier) touchait à sa fin et Madoff, qui aime se ballader le long de l’allée accompagné parfois de l’ancien parrain Carmine Persico ou de l’espion Jonathan Pollard, s’était précipité vers l’infirmerie. Il avait dépassé les cellules d’isolement (“le trou”), était passé par le gymnase et sous la clôture de quatre mètres de haut, et avait pris la direction de Maryland, le bâtiment dans lequel les pédophiles sont relégués après avoir purgé leur peine. Une centaine de prisonniers se tenaient là à attendre une infirmière, certains en plein soleil.

Bernie Madoff, Free at last a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Tordjmann. Le texte a paru pour la première fois dans le New York Magazine en juin 2010. © Steve Fishman