Faux Paris

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Retrofuturs
Faux Paris

En 1917, la menace d’un bombardement massif de Paris, orchestré par la flotte d’avions de combat allemands, se fait plus pressante. Pour parer à ce qui relevait encore, il y a peu, de la pure science-fiction, l’armée française est sommée de reconsidérer sa défense antiaérienne. Afin de compenser un déficit technologique, elle redouble d’inventivité et fait appel à un certain Jacopozzi, le “mage de la lumière”. Selon l’ingénieur, les moyens de riposte existent, fussent-ils de la poudre aux yeux. Enquête sur les traces d’une capitale tenue à l’écart des feux de la rampe de l’Histoire.

Quelle aurait été, par exemple, la vision d’un pilote allemand en 1918 ? Par une nuit de pleine lune, à haute altitude, il aurait sans doute suivi, depuis ses positions au nord de la Picardie, le bandeau des routes ou des lignes de chemin de fer le conduisant vers la capitale française, puis, croyant survoler la zone, il aurait tenté d’identifier la Seine étincelante et sa courbe caractéristique qui scinde la ville en deux. Dans les ténèbres de la terre, il aurait ensuite cherché à repérer ses cibles potentielles (gares, usines, monuments) à partir des taches de lumière signalant la grande ville et ses principaux édifices. Peut-être se serait-il alors laissé prendre au subterfuge de Jacopozzi, et aurait-il largué ses bombes sur les champs du val d’Oise à vingt kilomètres de Paris ? On peut également imaginer que, sur le chemin du retour, il aurait repéré une autre grande ville semblable à la première laissant apparaître le doute dans son esprit. Dans la fraîcheur piquante de l’altitude, il aurait ressenti soudainement le coup de chaud provoqué par son ahurissement. Pouvait-il y avoir deux Paris ? Quelle était cette physionomie urbaine qui, en bas, comme le dessin d’un monstre gigantesque, surgissait du tapis charbonneux de la terre ?

Bordeaux, le 22 janvier 2012, une fiction.