Feuilleton Nº

18

Histoire de cette histoire

Dans Récit d’un naufragé, publié en 1955, Gabriel García Márquez relate la lutte pour la survie d’un homme dérivant en haute mer, sans eau ni vivre, à bord d’un esquif de fortune. Cette histoire vraie n’aurait pas livré tous ses secrets sans le respect indéfectible accordé par l’auteur de Cent ans de solitude au métier de reporter. Face à la désinformation orchestrée par le gouvernement colombien de l’époque, il oppose un témoignage sensible, transposé à la première personne, et à l’émotion savamment distillée. C’est à l’humilité de l’auteur que la vérité doit son salut. Dans un texte liminaire, l’écrivain revient sur les prémices de cette aventure littéraire.

Extrait

Le 28 février 1955 on apprit la nouvelle : huit membres de l’équipage du destroyer Caldas, appartenant à la marine de guerre colombienne, étaient tombés à l’eau où ils avaient disparu, victimes d’une tempête dans la mer des Antilles. Le navire, après un séjour de réparations dans les chantiers de Mobile, avait quitté le port de l’Alabama pour Carthagène-des-Indes, qu’il avait rallié à l’heure prévue cent vingt minutes après la tragédie. La recherche des naufragés commença immédiatement, avec la collaboration des forces nord-américaines du canal de Panamá chargées du contrôle militaire et autres oeuvres de charité dans la zone sud des Caraïbes. Au bout de quatre jours on renonça à l’opération et les marins disparus furent déclarés morts, officiellement. Une semaine plus tard, pourtant, l’un deux apparut, moribond, sur une plage déserte du nord de la Colombie. Le survivant, un certain Luis Alejandro Velasco, était resté dix
jours sans manger ni boire sur un radeau à la dérive. Ce livre est la reconstitution journalistique de son récit, tel qu’il me fut donné de le publier un mois après le désastre dans El Espectador de Bogotá.

“Histoire de cette histoire” a été traduit de l’espagnol (Colombie) par Claude Couffon. Le texte est extrait de Récit d’un naufragé, paru pour la première fois en France aux éditions Grasset et Fasquelle, en 1979.
© Éditions Grasset et Fasquelle, 1979, pour la traduction française.