Feuilleton Nº

15

Le Montréal de Leonard Cohen

traducteur
Frank Reichert
illustrateur
Aline Zalko

Il est des époques que l’on aimerait voir s’étirer à l’infini, telle la nuit dans le soupir des amants, repoussant l’aube toujours plus loin. Leonard Cohen a traversé ces temps féconds au cours desquels Montréal, au gré de ses étreintes, engendra une richesse culturelle qui fit d’elle une ville à nulle autre pareille. À l’écoute d’un célèbre morceau de l’artiste, Hallelujah, B. Avishai se replonge dans le Québec du siècle passé, un âge d’or qui, dans l’effervescence de la Révolution tranquille, atteignit son sommet.

Extrait

Le “Hallelujah” de Leonard Cohen – cet hymne aux âmes trop sensuelles pour vieillir, trop laïques pour louer Dieu et trop déroutées pour rire de la Foi, entre dans sa trentième année. Cohen, qui vient lui-même de fêter son quatre-vingtième printemps, a grandi dans le quartier juif de Montréal durant les vingt années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, et, une demi-génération plus tard, ceux d’entre nous qui ont suivi sa carrière ne peuvent entendre cette chanson sans repenser à cette ville, à cette période qui mérite le nom d’époque. La dévotion – habilement empreinte de sacrilège – de “Hallelujah” et d’autres chansons et poèmes de Cohen est le reflet d’une ville où se heurtaient et se liaient des communautés religieuses, dont, en particulier, les Français catholiques et les Juifs de la première génération.

Leonard Cohen’s Montreal a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Frank Reichert. Le texte a paru pour la première fois dans le New Yorker le 28 février 2015. Bernard Avishai / The New Yorker
© Conde Nast.