Elle lui demanda combien de temps il restait avant la fin du monde

traducteur
Pedro Jiménez Morras
illustrateur
Amélie Fontaine
Elle lui demanda combien de temps il restait avant la fin du monde

Des archives de police aux coupures de presse en passant par les témoignages recueillis auprès d’anonymes, se déploie une étrange enquête qui ne progresse qu’à mesure que se désagrège l’identité des personnages du récit. Par-delà les disparitions, c’est à la destruction de toute certitude quant à l’existence d’une réalité tangible que nous assistons. S’aventurant sur un terrain instable où rôde le spectre de Pinochet, Carlos Labbé explore les possibles de l’écriture, scellant le passage du texte-fragment à la littérature hallucinée.

Ce qu’ils firent cet été-là fut de parcourir en Cadillac les plages des régions côtières du centre. Virditti inclinait le siège du conducteur, fermait les yeux et fredonnait les lèvres closes de vieilles chansons qu’une femme lui avait enregistrées sur une cassette des années plus tôt. “Memories are made of these”, entendait-on. Il tirait de temps à autre sur sa cigarette ; seul geste permettant, à qui l’aurait observé depuis l’extérieur, de savoir qu’il ne dormait pas. Très précisément depuis l’autre extrémité de la plage ; j’étais là, sur ma serviette, étendu sur le ventre, avec des jumelles.

Ce texte, traduit de l’espagnol (Chili) par Pedro Jiménez Morrás, est un extrait du roman Navidad y Matanza, publié aux éditions Editorial Periférica, Cáceres. © Carlos Labbé, 2007