Le romancier doit-il s’engager

traducteur
Clément Massé
illustrateur
Aline Zalko

Maintes fois fut reproché à Eudora Welty son apparent évitement de l’engagement politique. Distinguant le travail de l’écrivain du rôle de l’éditorialiste, l’auteur originaire du Mississipi en appelle à la nuance contre la simplification, aux vertus de la fiction contre les leurres de l’opinion. La question n’est pas tant de savoir si son oeuvre est politique mais plutôt de rappeler en quoi elle l’est. N’en déplaise aux prêcheurs dont le dédain envers la littérature n’a d’égal que le mépris de la pensée, voire de la vie elle-même.

J’ai lu récemment sous une plume tout à fait honorable qu’il allait falloir réévaluer Faulkner. La raison : il n’était, “après tout, qu’un petit Blanc du Mississippi”. On laissait entendre que les lecteurs ne pouvaient désormais plus se fier à lui, à sa connaissance de son sujet – l’oeuvre de sa vie ! – : ses romans, ses nouvelles, toutes et tous enracinés dans ce qu’il appelait “my country” : “mon pays”. Pendant la majeure partie de sa vie, Faulkner s’est vu nier toute réelle analyse critique de son oeuvre, impartialement ignoré au Nord comme au Sud. En quarante ans, seule une poignée de journalistes littéraires a été capable d’évaluer son travail à sa juste valeur. Se souvenir de tout cela nous amènerait peut-être à sourire de ce journaliste comme d’un écolier tout frais émoulu.

Must the Novelist Crusade a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Massé. Le texte a paru pour la première fois dans The Atlantic Monthly, octobre 1965.
© 1979 by Eudora Welty. Originally published in an essay of collection named The Eye of the Story: Selected Essays and Reviews.