Memento Mori

traducteur
Valeria Costa-Kostritsky
illustrateur
Polina Petrouchina
Memento Mori

Tenu par Durkheim comme le principal rite d’expiation, le rituel funéraire fait figure d’invariant anthropologique : une partie de l’humanité meurt ; l’autre, par bien des manières, lui rend hommage. En Bulgarie, publier une nécrologie est une forme répandue de célébration des morts. Tapissant les rues, les avis de décès brouillent la frontière ville / cimetière et jettent des ponts incongrus entre tradition et modernité. Pour Dimiter Kenarov, cette étrange littérature révèle les contradictions d’une société prisonnière de l’embaumement du souvenir.

J’avais cinq ans la première fois que ma grand-mère Parashkeva m’a emmené à un enterrement. Elle était maire d’un petit village du nord de la Bulgarie et il lui incombait de prononcer l’éloge funèbre de ses électeurs morts. À l’époque, les prêtres étaient bannis, avec leurs promesses marmonnées d’un monde meilleur (que pouvait-on rêver de mieux que la vie en République populaire de Bulgarie ?), si bien que ma grand-mère était devenue une sorte de prêtresse séculaire, une Périclès au féminin. Elle officiait aux mariages et aux enterrements.

Ce texte a paru pour la première fois dans The Believer en mai 2011. © Dimiter Keranov, 2011